1434 - Et en attendant d’autres Espagnes… (11)
Et en attendant d’autres Espagnes…
(Paris - Madrid - Tolède - Madrid - Paris)
Journal extime
(10 mai - 22 mai 2022)
11
19 mai 2022
Matin
Judith a ses dix minutes de retard accoutumées.
Nous visitons la nouvelle dation Maya Ruiz-Picasso au Musée Picasso.
Beaucoup de scolaires s’égaillent là, quatre groupes au moins, de l’école primaire au lycée.
Je prends peu de clichés, la plupart des œuvres se trouvant sous verre. Et je tâche, sinon, d’esquiver les reflets indiscrets.
Pablo Picasso, Première neige, [Tremblay-sur-Mauldre], 1938, Craie, fusain et huile sur toile, Collection particulière
Pablo Picasso (1881-1973), Maya au bateau, [Paris], 5 février 1938, Huile sur toile, Yageo Foundation Collection, Taïwan
Pablo Picasso (1881-1973), Maya à la poupée et au cheval, [Paris], 22 janvier 1938, Huile sur toile, Collection particulière
Portrait de Maya de profil, Royan, 17 juin 1940, Encre sur papier vergé, feuille de carnet à spirale, Collection particulière
Pablo Picasso, Claude écrivant [fils de Pablo et Françoise Gilot, né en 1947], Vallauris, 11 janvier 1951, Huile sur toile, Collection particulière
Jeune fille assise, Mougins, 21 novembre 1970, Huile sur contreplaqué, Musée national Picasso-Paris ; Maternité, Mougins, 30 août 1971, Huile sur toile Musée national Picasso-Paris
Pablo Picasso, Personnage, Mougins, mars-avril 1938, Bois peint, éléments de métal et ficelle sur socle de ciment et bois, Collection particulière
Pablo Picasso, Deux femmes à l'ombrelle, Le Tremblay-sur-Mauldre, 8 octobre1938, Encre sur papier, Musée national Picasso-Paris
Je m’amuse d’une critique assassine de Robert Hughes (“Picasso’s Worst”, Times Magazine, 18 juin 1975) reproduite sur un des murs : « L’exposition sera sans doute un succès touristique. Il s’agit, après tout, des derniers Picasso. Ce sont aussi les pires. On entre en dévotion et on sort dans l’embarras [One enters in homage and leaves in embarrasment]. »
Nous regardons un documentaire sur la fille de Picasso.
Nous entreprenons de visiter les autres étages. Judith, toutefois, déclare vite forfait.
Nous devisons notamment d’Espagne (comme pour prolonger mon séjour, ainsi que ma chasse aux Ribera, j’ai photographié, parmi les premiers clichés pris, cette toile de “l’Espagnolet”).
Jusepe de Ribera (Jativa, 1591 - Naples, 1652), Le Pied-bot, 1642, Huile sur toile, Musée du Louvre, département des peintures, Paris
Judith accepte, non sans quelque réticence, de déjeuner chez F. et Pascal, où elle n’est jamais allée. Elle entend prendre un bus cependant. Comme je lui fais valoir, site RATP à l’appui, que cela va nous prendre plus de temps que d’aller à pied, elle accepte de marcher jusqu’à la rue P***.
Tandis que je prépare le repas, Judith échange frénétiquement, semble-t-il, des messages.
Elle développe bientôt : la maison est en crise, la tempête est déclenchée. Non seulement, la précédente antienne joue à plein, mais une autre partition s’y mêle : N., précise-t-elle, pense avoir raté sa carrière. Ses collègues, prétend-il, le maintiennent dans un placard. Il n’est jamais invité dans des colloques, ni ne participent à des actes.
De cela, Judith ne s’est jamais ouverte. Je n’en suis qu’à demi surpris, toutefois. Car, pensé-je à part moi, je n’ai que rarement connu quelqu’un d’aussi peu liant que lui. Laure l’accuse d’être « autocentré » et « incapable d’empathie ». Je ne souffle mot non plus à ce propos. N. a peur — évidemment — de prendre assez prochainement sa retraite, d’être condamné à l’inactivité intellectuelle. Il dénigre ses propres enfants, les errements de Laure, le BTS de Lucien, selon lui voie de facilité — et de paresse.
Après-midi
Je me traîne un peu. Est-ce la chaleur ? Je prends ma température : 37°7 chez moi inhabituels.
Dans la librairie où l’on peut se procurer des livres d’occasion, j’achète un volume d’Eric Chevillard, d’Abdellah Taïa, une recension des derniers textes de Mathieu Riboulet, voilà bien qui va alourdir la valise…
Soir
Fatigue soudainement plus marquée. Je tousse, me sens fiévreux. Vérification à nouveau faite, c'est toujours la même faible fièvre — d’un degré tout de même plus élevé que ma température normale.
Après trois épisodes — qui ne durent qu'une vingtaine de minutes chacun, en vérité — d’une série que je regarde sur l’ordinateur, il n’est pas encore 22 heures, mais je me sens vraiment épuisé et décide de me coucher.