1435 - Et en attendant d’autres Espagnes… (12)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Et en attendant d’autres Espagnes…

 

(Paris - Madrid - Tolède - Madrid - Paris)

 

Journal extime

 

(10 mai - 22 mai 2022)

 

12

 

20 mai

Matin

J’ai beaucoup toussé durant la nuit. Et me suis réveillé à diverses reprises.

La température est un peu tombée (37°4) — et, davantage encore, la température extérieure. Sur le matin, comme je dormais toutes fenêtres ouvertes, je revêts caleçon long — emporté à tout hasard — et tee-shirt.

Préoccupé par mon état de santé, puisque je dois voir Adrien, peut-être, Aymeric, sûrement, je cherche un médecin généraliste disponible. Je prends rendez-vous pour 16 heures 15 chez un praticien assez éloigné, puisque dans le VIIIe arrondissement. Je me dis que j’aurai le temps de visiter la collection permanente du Musée d’art moderne, auparavant.

Cependant, je décide d’affronter l’éventuelle réalité — et me rends dans une pharmacie pour que soit réalisé un test. Après avoir fait quelques courses et tourné un peu dans le quartier, je repasse à la pharmacie. Le test est négatif.

Je tousse moins. Je me procure tout de même des pastilles antitussives. Et j’annule le rendez-vous pris deux heures plus tôt.

 

Adrien m’a écrit et me donne rendez-vous dans un café près de la Gare du Nord, en me prévenant qu’il disposera de peu de temps.

 

Après-midi

Frustré la dernière fois d'avoir dû parcouru à grandes enjambées les lieux, je visite plus systématiquement le Musée d’art moderne à nouveau, faisant quelques clichés, à l’aventure : je pourrais effectuer d’autres choix, mais je m’apercevrai, à diverses reprises, que l’actualité, notamment au travers des œuvres récentes — que je n'ai pu voir lors de précédentes visites — m’a tiré par la manche. Comme je me dispense de reparcourir les premières salles, faites la fois précédente, cela me prend moins d’une heure.

Otto Freundlich (1878, Stolp-1943, Lublin-Majdanek), Composition, 1933, Bronze patiné, Donation Michael Werner en 2012

Otto Freundlich (1878, Stolp-1943, Lublin-Majdanek), Composition, 1933, Bronze patiné, Donation Michael Werner en 2012

Chaïm Soutine (1893, Smilovitchi - 1943, Paris), Torse au fond bleu, vers 1928, Huile sur toile

Chaïm Soutine (1893, Smilovitchi - 1943, Paris), Torse au fond bleu, vers 1928, Huile sur toile

Edouard Vuillard, Portrait de Maurice Denis, 1930-1935, Peinture à la colle sur toile

Edouard Vuillard, Portrait de Maurice Denis, 1930-1935, Peinture à la colle sur toile

Georges Rouault, la Fuite en Egypte, 1938, Huile sur toile

Georges Rouault, la Fuite en Egypte, 1938, Huile sur toile

Giorgio de Chirico, les Masques, 1970, Huile sur toile

Giorgio de Chirico, les Masques, 1970, Huile sur toile

Judit Reigl, Guano, 1958-1963, Huile sur toile

Judit Reigl, Guano, 1958-1963, Huile sur toile

Niki de Saint Phalle, Notre-Dame de Paris;, 1962, Bois, grillage, plâtre, colle, objets trouvés

Niki de Saint Phalle, Notre-Dame de Paris;, 1962, Bois, grillage, plâtre, colle, objets trouvés

Nikita Kadan, The Broken Pole [le Pôle brisé], 2019, Acier, soie et impression numérique

Nikita Kadan, The Broken Pole [le Pôle brisé], 2019, Acier, soie et impression numérique

1435 - Et en attendant d’autres Espagnes… (12)
Jean Claracq, Animal studies from a notebook [Etudes d'animal à partir d'un carnet], 2021, Huile sur bois

Jean Claracq, Animal studies from a notebook [Etudes d'animal à partir d'un carnet], 2021, Huile sur bois

1435 - Et en attendant d’autres Espagnes… (12)
Esther Ferrer, Geste barrière, 1 m, 2020, Tirage photographique couleur, Musée d'Art moderne de la ville de Paris
Esther Ferrer, Geste barrière, 1 m, 2020, Tirage photographique couleur, Musée d'Art moderne de la ville de Paris

Esther Ferrer, Geste barrière, 1 m, 2020, Tirage photographique couleur, Musée d'Art moderne de la ville de Paris

Jill Mulleady, Orpheus, 2021, Huile sur lin

Jill Mulleady, Orpheus, 2021, Huile sur lin

Henri Matisse, la Danse, 1931-1933, Huile sur toile

Henri Matisse, la Danse, 1931-1933, Huile sur toile

 

Soir

Adrien. Je suis heureux de le voir (il a presque dix minutes de retard — m’en a averti et s’en est excusé — et vérifiera l’heure à la grande horloge de la Gare du nord pour s’envoler une heure après, mais peu importe).

Adrien. Il me frappe avant tout — quand je le mange des miens — qu’il a les yeux bleu gris (je n’avais pas noté cela la dernière fois), des yeux presque ardoise. (Peut-être a-t-il le privilège d’yeux changeants, puisque je les croyais bruns.) Grand et mince, davantage que la précédente fois me semble-t-il, sous un tee-shirt blanc et un blouson.

Il commande un verre de champagne (carrément !, me dis-je  part moi).

Il s’enquiert de mes nouvelles, de mon voyage en Espagne. Je suis donc amené à beaucoup discourir dans un tout premier temps. Il affirme que j’ai beaucoup progressé dans mon élocution. Je lui réponds qu’un principe de plaisir s’y et s’en mêle — tout en retraçant mes difficultés presque insurmontables à parler anglais il y a peu. Il rit, en s’excusant aussitôt de son rire.

Je raconte le test antigénique que j'ai effectué durant la matinée. Selon lui, mon mal de gorge pourrait venir de la pollution. Je réponds que ce n’expliquerait pas la fièvre, même 37°7, ajoutant que je suis un animal à sang froid d’ordinaire.

Il me montre son livre, dont il vient de recevoir un exemple (unique, précise-t-il, pour le moment). Il n’a pas conservé le titre qu’il m’avait dit (Vinaigre). J’en lis le quatrième de couverture, ainsi que le dernier paragraphe. Je commente la mention d’un mirabellier. Je déclare son propos « ambitieux ». Je me dirai plus tard que j’aurais dû peut-être davantage adresser de félicitations, montrer plus d'enthousiasme. Quoi qu’il soit, il ne paraît pas en tirer un orgueil démesuré, et cette modestie, même feinte, l’honore tout à fait. Il me promet qu’il m’en enverra un exemplaire. Je lui produis le livre de PB et MR, acheté la veille. Il me dévoile alors qu’il s’agit d’un commentaire par PB du dernier texte de MR, ce qui relève quelque peu d’une imposture éditoriale. A vrai dire, je m’étais un peu douté. A ma question, il me dit qu’il ne devrait que peu subsister à publier de MR.

Il sera bientôt très occupé par la promotion de la parution de son roman. Il viendra sans doute à **** pour cette raison.

Il est allé en Birmanie (après être allé au Cambodge, bien sûr, et je lui rappelle que je le sais, puisque j'avais vu son documentaire lorsqu'il était allé présenter celui-ci à ****). Il se rendra bientôt au Japon afin de tourner un autre documentaire. (Je raconte brièvement la Birmanie, évoque le 08/08/88.)

Il me parle de sa vie sentimentale. (Je m’étonne un peu qu’il aborde si spontanément le sujet : après tout, nous nous connaissons assez peu…) D’une Margot l’autre (je me trompe de prénom ¡), il est amoureux de la productrice [?] du film documentaire qu’il doit réaliser. L’essentiel des frais de son séjour sera pris en charge (j’évoque brièvement J.-M., son voyage au pays du soleil levant). Il devrait peut-être, dit-il, se fixer : il arrive à l’âge où l’on le devrait. Il proteste néanmoins que se fixer ne signifierait pas nécessairement « se mettre en ménage » (j’ai dû employer le terme). Pour lui donner la réplique, je dis que je ne l’ai jamais fait. Il ne me vient pas à l’esprit que l’homosexualité conduit beaucoup à l’exogamie, quand lui souhaiterait — même s’il n’aborde pas la question, hors peut-être de son champ de préoccupation — devenir père un jour.

Il travaille pour une chaîne de télévision, qui se montre exigeante. Mais le travail qu'il doit effectuer est passionnant. Il reprendra l’émission historique de PB. J’oublie aussi de le féliciter à ce propos. Mais c’est aussi que tout ce qu'il expose finit par me paraître naturel, sachant déjà qu’Adrien est un jeune homme doué, doué et doté de toutes les façons,  et lancé désormais dans des directions fécondes qu'il saura suivre.

Nous parlons de l’ouverture du musée Alexis Khan. Il m’encourage à le visiter.

Il me demande si j’ai prévu d’aller au cinéma. Il me parle alors d’un documentaire « fictionnalisé » [ ?], un film d’une heure, très beau, qu’il a vu récemment, dont je n’ai pas retenu le titre (qui comporte deux mots anglais). 

Il me parle aussi d’un collègue, P. K. Je ne montre pas jaloux, d'autant que j'ai toujours apprécié celui-ci. Il lui a fait découvrir Yves Bonnefoy, Perrault. Il évoque également une autre collègue, dont je me demande à part moi, en revanche, ce qu’il pouvait bien lui trouver…

 Comme je dis n'être pas informé de ce qui avait pu se passer durant ma semaine hors de France, il relate la nomination récente d'un nouveau ministre de l’éducation, un historien, précise-t-il — tandis que son nom m’évoque  quelque souvenir (le nom de sa sœur romancière, dont j’avais lu la Femme changée en bûche, ne me revenant pas immédiatement).

Il s’étonne de cette nomination. Je dis que ce gouvernement n’a pas nécessairement vocation à durer. Et que j’espère qu’il ne sera rien. Qu’un « troisième tour », j’espère, aura lieu. Il approuve, mais glisse sur le sujet.

Finalement, le tutoiement m’est facile.

Nous partageons l’addition.

— Charmeur, décidément !, me répété-je en le regardant s’éloigner.

 

 Je lui envoie un SMS pour lui communiquer mon adresse postale. Il me répond aussitôt en me remerciant.

 

Soir 

Je regarde les deux derniers épisodes de la série entamée la veille.

Fatigué — j'ai pourtant marché deux fois moins que lors de mes journées espagnoles —, je me couche bientôt, lis quelques pages. Et dors beaucoup — en deux fois, mais beaucoup.

 

 

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