1442 - Si bien que… ? (43)
Si bien que… ?
(Journal extime)
Work in progress
43
15 juin 2022
J’ignore depuis combien de temps je n’avais pas vu JP. Lui, m’assure que c’était au cours de l’été précédent. L'occasion m’en paraît plus ancienne, mais il doit avoir raison.
Il me demande si je préfère que nous nous installions dehors ou à l’extérieur. Il fait déjà plutôt chaud sur sa terrasse, et plus frais à l’intérieur. Nous nous juchons sur les tabourets de la cuisine, ouverte sur l’espace salon-bureau.
Il est désormais à la retraite. Il m’explique qu’il ne voit pas les jours passer. Entre autres (nombreuses) activités, il a repris la chorale, ce qui lui donne des repères temporels, voire procure une ossature à son éphéméride.
Comme à son habitude, JP se montre prolixe. Je le laisse diriger la conversation. De toute façon, je n’ai pas envie de parler de moi (au vrai, je ne vois pas très bien ce que je pourrais en dire ¡)…
Il amorce la conversation sur les élections au prétexte que j’avais achevé mon dernier message par un « vote bien demain ! ». Je le découvre plutôt macroniste et tente de le convaincre des incapacités et des dommages du dernier quinquennat. Il oppose beaucoup d’indifférence à mes arguments, tout en répétant, en revanche, des idées convenues, celles, toujours les mêmes, qui ont circulé sur JLM.
Il s’est fâché avec son fils aîné. Je savais qu’il ne s’entendait pas avec sa bru, mais ignorais la rupture consumée. M*** est, elle aussi, à la retraite, vit en Italie, près de Brindisi. (Il me montrera des photos de Luc, leur cadet.)
Il a plus ou moins rompu — installé tout au moins des distances — avec Mohammed, du fait de moments violents survenus entre eux. Mohammed est bipolaire, connaît des épisodes de folie, et ne prend pas toujours les médicaments qui devraient contenir ses flambées d’agressivité destructrices. Je me dis à part moi qu’entre lui et ce garçon de vingt-cinq ans, c’est comme une histoire à éclipses, laquelle risque fort de reprendre dès bientôt.
Sa sœur, victime d’une attaque cérébrale, souffre de séquelles physiques qui perdurent. La stagnation qu'elle ne peut que constater dans les progrès depuis son AVC occasionnent de forts accès de découragement.
Les problèmes de vue de JP se sont, en revanche, stabilisés. Encore le traitement qu’il subit demeure-t-il plutôt lourd à observer. Il doit suivre une séance hebdomadaire chez l’orthoptiste et recourir à des gouttes quotidiennes qui le laissent une demi-heure aveugle, les yeux colorés [je peux avoir oublié le détail (et peux me tromper) entretemps].
Je le félicite du montage vidéo dont il m’a fait parvenir le lien dans un de ses messages. Il m’expose les difficultés survenues durant ledit montage et la façon dont il a pu surmonter les différents obstacles.
Le repas se décline agréablement : melon, lapin et spätzle… J’ai acheté deux parts de Forêt noire pour le dessert.
Il se lance, après le repas, dans tout un développement sur les merveilles de la physique quantique — auquel je n’entends naturellement rien et durant lequel je m’ennuie passablement. Je croyais d’ailleurs l’entropie vouée à l’usure et au dépérissement, loin de l’optimisme affiché par JP…
19 juin
Soir
Je fais le plein de dépit, de colère, de tristesse et de malheur à venir durant la soirée électorale que je regarde ad nauseam sur une chaîne de télévision publique où alternent des résultats et des questions posées par des journalistes à un duo de personnalités politiques affrontées, remplacées à mesure pour moitié par un ou une adversaire (cela pourrait faire songer au générique du Cinéma de minuit, où Bogart et Bergman remplace Bergman et Cooper, puis Cooper je ne sais qui — ressuscitant le souvenir de tel ou tel chef d’œuvre cinématographique tel Casablanca, reconnu au travers d’une image, la parité et la fascination d’un couple mythique hollywoodien en moins).
C’est d’ailleurs — si j’exclus mes propres émotions — la plupart du temps d’un ennui abyssal, dans la platitude tant des questions posées que des éléments de langage brandis de part et d’autre par les journalistes ou le personnel politique.
Cependant, l’ennui n’égale pas, loin s’en faut, la déconvenue de voir s’afficher les “camemberts” figurant, sous des couleurs qui signalent leur appartenance politique, l’hémicycle amené à siéger au sein de l’Assemblée Nationale. [Le surlendemain, je m’étonnerai, puis sourirai — malgré tout, tant c’est devenu vrai au fond, et même si je ne crois pas que la France insoumise incarne une extrême-gauche qu’on s’est plu à décrier dans l’entre-deux tours — de voir le PC border sur la droite les députés de la FI…]
Et si l’on peut légitimement se réjouir que EM, dans une coalition d’intérêts que rassemble l’étiquette “Ensemble” (laquelle n’excède certes pas sur l’échiquier politique ce que l’adverbe avait de prétention à rassembler auprès de Français), n’ait pas obtenu de majorité absolue ni confortable, le nombre impressionnant de députés d’extrême-droite élus face à ceux de la NUPES ne laisse pas d’inquiéter.
Seul moment de vérité — et qui apporte un semblant de consolation —, le moment où Manuel Bompard se voit affronté à Dupont-Moretti (j’aime ce grand corps, excessivement sérieux, dont le sourire rare éclaire alors les expressions du visage — et qu’on sent, à rebours de sa gravité, capable de tous les amusements1…) à propos des brevets de républicanisme décernés à son propre camp, tout à rebours de la quasi-absence de consignes de vote donnés par la macronie (seulement sept de candidats, si je ne trompe, en lice ont appelé à voter contre l’extrême-droite), tout à rebours aussi bien du front républicain brandi par des politiques ont favorisé, si ce n’est appelé de leurs vœux, une extrême-droite enkystée désormais comme un poison au cœur de la République.
Mais cela ne suffira pas, de toutes les façons, à cuver la déception de sitôt.
20 juin
Après-midi
Le fils de Madame B. avec sa mère — impossible de la remplacer pour que je porte à sa place — livrent le motard en bronze (celui-ci avec le marbre sur lequel il repose est excessivement lourd) que mon père m’a depuis longtemps légué et qui n’avait pas trouvé jusqu'alors de candidat à son transport…
Je demeure stupéfait de l’incurie de l’orthophoniste quant aux résultats du vote de la veille.
T. me téléphone — et nous nous donnons rendez-vous pour 18 heures. Tenter de chercher des explications, tomber d’accord également lors des analyses que nous hasardons, font du bien, sans consoler bien entendu de rien.
Nuit du 21 au 22 juin
Pendant que je me tourne et retourne dans mon lit, je tourne et retourne dans ma tête des pensées plutôt noires, qui ne me quitteront pas de la journée.
Par suite de quoi, je me désespère de ne pouvoir mettre par écrit, malgré le tournis de suggestions nocturnes intéressantes, quelque pensée valable au cours de l’état de veille.
Dés-espoir est bien le mot qui convient, lequel colore un peu tout en ce moment.
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1Tellement Bompard. Les événements survenus récemment, les débats et dissensions qui se sont fait jour depuis au sein de la FI pourraient m'amener à corriger, sinon infirmer, ma vision du personnage…
(Le dés-espoir tient, lui aussi, en quelque façon d'un mouvement à l'état gazeux. Autant donc le lester d'un peu légèreté.
— Puissé-je, en l'occurrence, ne pas se montrer inconséquent…)