1455 - Si bien que… ? (47)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si bien que… ?

(Nuit d'octobre)

Work in progress

 

47

 

1455 - Si bien que… ? (47)

 

Nuit du 3 au 4 octobre 2022

Soir

Au commencement, le soluté buvable n’est pas si infect qu’on me l’avait décrit (ou plutôt : raconté). Son goût est sucré, le liquide est plus épais que sa dissolution à l’eau claire ne le laissait présager ; toutefois, le breuvage, de façon de plus en plus écœurante, nappe à mesure puis tapisse la bouche. L’on procède alors par petites gorgées, et l’on désespère de n’avoir jamais ingurgité tout un litre ; puis l’on se force à avaler de plus larges goulées — pour en finir tout à fait.

Ce n’est qu’après une heure que le produit commence à agir. C’est bien un tord-boyaux — littéralement.

La sensation est fort étrange que l’anus expulse un liquide (d’abord brun, puis de plus en plus en clair), de savoir que l’on chie une merde liquéfiée ; même s’il est arrivé, au cours des derniers mois, d’avoir des selles pareilles à des glaires, l’impression reste inédite de ce flot qui vous sort d’un autre côté du corps que celui dont a l’habitude pour l’urine. Les écoulements se produisent chaque dix minutes, tandis que l’on doit bientôt s’efforcer d’écluser un autre litre, d’eau claire à présent.

J’alterne entre deux sièges de W.-C., celui de l’étage du haut, celui du bas, deux évacuations différentes en vérité dans l’immeuble, et ce, dans le souci de ménager les voisins en réduisant ainsi le nombre de chasses d'eau.

Durant ce temps, je regarde, en léger différé pour pouvoir l’interrompre, l’enregistrement du film (malheureusement diffusé en version française) de Brian de Palma, Furie. Je n’avais pas trop aimé le film à sa sortie, et mon impression initiale se trouve confirmée. Je n’en regarde finalement que la moitié.

Les passages aux toilettes s’espacent. Peut-être sont-ils terminés, et je prends donc une douche en recourant à du gel-douche que j’étrenne (observant à la lettre les instructions consignées dans un dossier qu’on m’a remis à la clinique), m’essuie dans un drap de bain propre, tout comme les vêtements que j’endosse.

Je devrai malgré tout retourner aux toilettes encore une fois…

 

Nuit

Celle-ci est, en effet, interrompue par une envie que je laisse passer durant cinq à dix minutes. Entre-temps, j’ai dormi un peu plus de deux heures. Le flot est moins important à l’évidence désormais.

Je ne me rendormirai pas.

 

4 octobre

Matin

Je me lève avant que m’intime de le faire le réveil.

De devoir recommencer les mêmes opérations que la veille tout en sachant à quoi m’attendre (et ce, sans remède !) rend plus pénibles encore les moments à venir.

Une autre envie a surgi, irrépressible : celle de me moucher. Je débonde décidément par tous les bouts.

J’achève de boire le liquide dans des nausées.

* * *

Ma sœur m’a conduit jusqu’à la clinique.

Cette fois, je suis en avance (il est 7 heures 05) et l’attente dans le hall de la clinique n’est pas bien longue. Cinq minutes après mon arrivée, ayant réalisé mon entrée auprès de l’accueil et repris l’ascenseur (à un niveau différent que précédemment), je sonne au bureau des infirmières, qui me prennent en charge dans les dix minutes qui suivent. Non, je n’ai pas plus de matière fécale dans les selles ; oui, le liquide qui sort a la couleur de l’urine. Ma tension est anormalement élevée (15,7), quand elle n'est habituellement que de 10 ou 11. Dans la chambre où l’on me mène, je troque mes habits de ville contre une chemise de patient qui se referme dans le dos (je ne parviens pas à la refermer avec les boutons pression au niveau du cou), des chaussons élastiques informes (où dois-je mettre les orteils ? les talons ?), ainsi qu’un slip à usage unique (comme l’est sa taille) absolument hideux.

Surgit bientôt un jeune brancardier brun agréable de sa personne à qui je décline à nouveau mon identité et qui, apparemment satisfait de ma réponse, me convoie à travers les couloirs jusqu’à une salle d’attente. Une infirmière d’origine maghrébine porteuse d’incroyables faux cils me donne son prénom en échange (à nouveau) de mon identité, en précisant qu’elle est infirmière anesthésiste. Apparaît peu après le médecin qui doit opérer, qui se contente de me saluer — et à qui je rends son bonjour (sans l’apostrophe « docteur », pourtant d’usage). Il tapote sur un ordinateur, tout en bavardant, à leur initiative — elles sont maintenant deux —, avec les infirmières. Il se plaint du nouveau système informatique, qu’il semble étrenner.

On prépare mon injection. L’aiguille qui se fiche dans ma main gauche occasionne une brève douleur. Un tensiomètre se referme sur mon bras, qui se gonfle et dégonfle à intervalles réguliers. L’infirmière me demande de mettre en « position de sécurité », et, comme je manifeste de l’incompréhension, me précise de quoi il s’agit : je dois sur me mettre sur mon côté gauche, les jambes repliées.

Il n’est pas à peine plus de huit heures (si ma mémoire est bonne) quand l’infirmière anesthésiste me fourre dans la bouche une espèce de mors en plastique (bleu ?) qui maintient ma bouche ouverte pour éviter, dit-elle, que je me morde (si mon souvenir, à nouveau, est exact). Elle va m’injecter le liquide anesthésiant, en me prévenant qu’il provoquera une sensation de froid.

Je m’endors ensuite sans que dix secondes aient passé.

* * *

(à suivre)

 

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