1456 - Si bien que… ? (48)
Si bien que… ?
(Journal extime)
Work in progress
48
4 octobre 2022 [suite]
On me réveille. Je demande l’heure. Il est 9 heures. Je suis dans la même salle. L’autre infirmière (?) — les masques empêchent toute certitude de reconnaissance, et sans doute ne suis-je pas tout fait revenu à moi pour me fier à la présence ou non de faux cils pour la distinguer de sa collègue — me dit que le brancardier va venir bientôt et me ramener en chambre.
Mon nocher,lui, est le beau (?) brun de tout à l’heure, qui me roule à nouveau de couloir en couloir. Je réussis à lire son prénom (que j’ai oublié depuis) tandis que les coudes effectués me semblent familiers et paraissent raccourcir le trajet.
Je trouve un voisin de chambre, un cinquantenaire déjà opéré en train de manger, dont les esprits semblent plus vifs que les miens.
Une infirmière paraît. Elle me prend la tension (au bras droit, cette fois) et pince mon index droit dans un appareil dont je demande s’il est un oxymètre. Elle me communique les résultats. La tension est descendue. J’ai oublié son chiffre exact ainsi que ma température (autour de 36°2), mais ai retenu le taux d’oxymétrie : 98 %. Les chiffres, quoi qu’il en sont, sont rassurants. J’apprends aussi que ma sœur a été prévenue de mon réveil et qu’elle passera pour me raccompagner à 11 heures et quart. Je demande si je peux aller aux toilettes. L’infirmière — qui me dit que je pourrai ensuite me rhabiller —surveille alors mon lever. Je suis bien et bel revenu à moi dans tout le bon état de mes fonctions.
Je le suis d’autant plus que, moins d’un quart d’heure plus tard après m’avoir demandé si je souhaitais un en-cas salé ou sucré et ce que je désirais boire, on m’apporte un panier en carton contenant divers nourritures revigorantes : une brioche, une salade (« piémontaise » précise mon voisin, attentif à ce dont on m’a pourvu) — qui contient malheureusement des morceaux de concombre que j’écarte —, une compote de pommes couronnée d’une crème battue, un petit pain blanc. Je romps le jeûne et fête intérieurement la fin du régime « sans résidus » qui a étési tristement le mien durant trois jours.
Mon voisin est moins heureux que moi. D’après lui, après m’avoir interrogé sur la nature de ma commande lors de la préinscription, il aurait avalé le même repas, alors qu’il aurait payé 30 euros pour avoir un « repas amélioré ». Je dis alors que c’est peut-être l’inverse, qu’on a pu me servir par erreur ledit repas. « 30 balles pour ça, ce n’est pas possible ! » repartit-il.
Entre-temps, je me suis rhabillé, imité en cela — mais à moitié, puisqu’il n’a remis qu’un boxer et un tee-shirt tendu par une bedaine assez conséquente — par mon compagnon.
Je n’ai pas emporté le téléphone portable, et, comme il ne cesse de tapoter sur le sien et de recevoir des messages, je demande l’heure. Il est dix heures. Je me réjouis du peu de temps qu’il reste à patienter, d’autant que le médecin est censé passer avant que je m’en aille…
L’envie me prend bientôt de retourner aux toilettes, une contraction intestinale suivie de peu d’effet — un reste peut-être dans l’appareil digestif de tant et tant de liquide absorbé depuis la veille au soir. Je constate qu’un peu de sang s’est déposé sur le papier toilette que j’utilise ensuite. Et l’anus est douloureux quand je l’essuie. Quand j’en parlerai à l’infirmière lors d’un de ses retours, elle attribuera le sang à quelque hémorroïde que l’opération aura fait saigner. De fait, à moi aussi, ces petits désagréments semblent bénins.
Comme le voisin paraît plus désireux de conversations à distance que d’échanger avec moi — ce qui, faut-il préciser ?, m’arrange tout à fait —, je me lève à nouveau, prenant dans sa sacoche un livre, dont j’entreprends de lire un chapitre. Mon attention demeure encore légèrement flottante et, le chapitre fini, je referme le livre, laissant les yeux clos, ne croyant guère néanmoins pouvoir m’endormir.
On frappe à la porte, et je crois d’abord à la visite du médecin. C’est l’épouse du voisin, en fait, qui pénètre dans la chambre. Une conversation s’engage entre eux, dans laquelle lui, récrimine à nouveau sur le repas qu’on lui a servi, tout en me prenant à témoin…
Quand on frappe à nouveau, c’est le médecin qui paraît, qui fait sortir l’épouse et s’adresse à moi. Tandis qu’il parle, je note à nouveau le peu de cordialité qu’il manifeste — oserais-je le peu d’aménité ou d’empathie ? —, l’économie des paroles, le manque de précisions. « Rien de vraiment important » : des ulcères à l’estomac ou autres endroits de l’appareil digestif, des polypes qu’il a pu réduire et dont il a fait des prélèvements en vue de biopsies, « ce qui explique vos douleurs ». Je demande quand il aura les résultats concernant ces prélèvements : « dans deux ou trois jours ». Il les enverra à mon médecin. Je demande à ce qu’il me communique à moi un compte rendu — ce qu’il refuse, au nom des habitudes qu’il a de s'adresser à ses collègues1. Décidément, il me paraît de moins en moins sympathique, le neurologue et le cardiologue auxquels j’avais fait les mêmes demandes ne s’étant jamais dérobés. Sans m’appesantir pour autant, je dis donc que je prendrai rendez-vous avec mon médecin. Il a préparé une ordonnance pour un médicament destiné à corriger l’acidité dans l’estomac et à soulager les douleurs. Il la dépose sur la tablette près du lit en même temps qu’un compte rendu agrémenté de clichés qu’il a rapidement évoqués auparavant.
Tout à des pensées qui le concernent — j’ai plongé le regard dans l’échancrure de sa blouse pour constater une pilosité au creux de seins peu marqués dans leur relief, j’écoute les nuances, atones quoique un peu métalliques, de la voix quand il parle, je me montre curieux de tant d’incuriosité à mon endroit — autant qu’elles concernent fugitivement mon état de santé, je me suis pas certain de toujours bien entendre, sans songer à faire répéter. Ainsi, retranscrivant ces notes, s’il a bien parlé d’une ordonnance pour six semaines, il ne me semble pas qu’il ait jamais évoqué de suites à son intervention, ni qu’il ait été question de le revoir. Il me quitte bientôt comme il est entré, c’est-à-dire comme celui qui a un devoir à accomplir et s’en est chargé du plus vite et neutre qu’il a pu. Une sorte de bonjour-au revoir souhaité le plus bref possible entre les deux…
Tout cela laisse — étrangement — sans espèce de satisfaction ni soulagement.
Après qu’il a quitté la chambre, l’épouse paraît à nouveau, puis, comme embusquée derrière elle, ma sœur que je suis autrement content de voir, d’autant que cela signifie que l’on va pouvoir s’en aller… Il est onze heures demie.
Rentré chez moi, je m’aperçois que j’ai oublié mes lunettes, vraisemblablement dans la chambre. Je téléphone donc à la clinique et dis que je passerai les prendre — puisque je suis censé ne pas conduire jusqu’à ce moment — le lendemain…
Après-midi
Il fait beau sur la terrasse où, à défaut d’une bière, je bois un Perrier en compagnie de T. (j’ai tout de même contrevenu à une surveillance de vingt-quatre heures par un proche, et, si je n’ai pas conduit, passablement marché jusqu’au café auquel nous sommes accoutumés).
-=-=-=-=-=-
1Le voici, tel qu'en lui-même (à demi compréhensible pour moi) et tel qu’il m’a été communiqué par mon médecin quelques temps après :
J'ai réalisé comme convenu un bilan endoscopique à Monsieur Romain **** […] dans le cadre de son bilan de troubles du transit et de douleurs abdominales.
La gastroscopie a révélé un aspect de pangastrite pseudo-nodulaire et micro-ulcérée en muqueuse antrale ainsi que plusieurs ulcères duodénaux, probablement liée à Helicobacter pylori, des biopsies ont été pratiquées.
La coloscopie quant à elle réalisée dans de bonnes conditions de préparation m'a permis de retirer quatre polypes infracentimétriques, sans qu'il n'y ait d'aspect inflammatoire jusqu'à la dernière anse iléale, des biopsies ont été pratiquées en muqueuse colique pour éliminer une colite microscopique.
On pourra proposer un traitement des ulcères par IPP pleine dose pendant six semaines ainsi qu'une éradication d'Helicobacter pylori en cas de positivité, un traitement ralentisseur du transit […], sous réserve des résultats anatomopathologique [sic]. […]