1511 - March in Paris (6)
Journal extime
(19 mars - 26 mars 2023)
6
21 mars 2023
Nuit
Réveillé dès 5 heures du matin. Levé, ma cheville est douloureuse et je suis dans l’incapacité de dérouler le pied normalement. J’ai très mal au ventre, en outre.
Je me demande ce qu’il adviendra durant ces deux prochains jours de nous, Khadija et moi. Je me trouve bien embarrassé. Après avoir tergiversé quelque moment, je laisse un message.
Elle appelle au réveil. Il est six heures. J’expose la situation. Je lui suggère de ne pas venir, puisque je ne suis guère en état de circuler. Elle me dit qu’elle va déjeuner, réfléchir, et me rappeler.
Ce qu’elle fait après sept heures. Elle va venir, me dit-elle, si toutefois son train, prévu une heure plus tard, circule. Dans l’espoir que cela sera le cas, j’envoie un descriptif détaillé pour qu’elle se rende commodément depuis la Gare de l’Est jusque Oberkampf.
Je me recouche alors et tente de me rendormir. Les cris des enfants de l’école primaire toute proche m’en empêchent.
Un message de Khadija me parvient. Sa correspondance a un retard d’une heure et demie. Puis elle m’informe qu’elle est installée enfin dans le train.
Aux informations que j’entends à la radio, j’apprends que la motion de censure déposée par le groupe LIOT n’a pas été adoptée (il s’en est fallu de neuf voix). J’apprends aussi que des agitations estudiantines et des manifestations ont lieu dans les grandes villes.
Je me rase, me douche, tournant la cheville de la façon que m’a décrite le frère de Khadija au téléphone deux heures plus tôt, me masse le pied avec du gel. Il me semble alors que je marche avec moins de peine.
Je rapporte dans mon carnet la soirée de la veille en compagnie d’Aymeric, trompant l’attente ainsi du mieux que je peux. J’envoie aussi les instructions détaillées pour parvenir depuis Oberkampf jusqu’à l’appartement de F. et Pascal à Khadija, en joignant la photo d’un plan.
Anne appelle en fin de matinée. Je lui annonce ne pas pouvoir défiler avec Patrice et elle le surlendemain. Ils se sont trouvé des billets à prix avantageux pour voyager jusque ****, puis jusqu’à Colmar, puis Strasbourg, puis pour faire le trajet du retour jusque Paris. Elle propose que je les accompagne à Strasbourg, proposition que je décline, me refusant à part moi à tenter un démon qui aurait nom Julien — situation qu’embarrasserait très certainement le diable en question ¡ Elle me remercie et accepte que je les véhicule pour un aller et retour à Metz pour visiter le Centre Pompidou.
Khadija arrive enfin. Elle plaisante sur la situation embrouillée que je lui ai subir du fait de mes réticences : « je suis née un vendredi 13 ! », précise-t-elle, par plaisanterie et à ma décharge. Elle s’est acheté un sandwich et n’a pas faim.
Après-midi
Je reçois un message de Duncan, qui serait finalement disponible samedi matin.
Je presse Khadija de se rendre à l’Institut du Monde arabe afin d’y voir les expositions que nous avions prévues. Pendant ce temps, j’irai dans le centre de médecine du XVIIIe arrondissement où, le matin, j’ai réussi à prendre rendez-vous.
Lorsque, clopin-clopant, j’y parviens, on m’informe du retard pris par le médecin : il doit recevoir encore avant moi cinq patients. A la faveur d’une chaise qui se libère, je patiente tout à côté de la porte où celui-ci officie.
J’attendrai durant une heure, délai moindre — en fait — qu’imaginé. Dans l’intervalle, je remplis des pages dans mon carnet.
Le médecin me reçoit plutôt aimablement en me demandant tout à trac quelle est mon « origine ». J’explique alors la raison de mes difficultés de prononciation.
J’ai bien fait, selon lui, de le consulter, mais il n’y a rien de grave apparemment. Il me prescrit du doliprane, ainsi qu’une chevillère.
J’achète les deux ensuite dans une pharmacie. On me fait essayer la chevillère, apparemment un petit peu trop lâche, si bien que je conserve une chaussette sous elle — et repars en en sentant néanmoins immédiatement les bénéfices. Et prends incontinent en sens inverse le métro.
Comme entre-temps Khadija a tenté de m’appeler, je la rappelle et nous convenons de nous retrouver dans un bar au coin de la rue de la Folie-Méricourt.
Soir
On marche beaucoup, quoi qu’on en ait, lorsqu’on circule dans Paris. L’on monte et descend en particulier quantité d’escaliers.
Nous nous rendons dans un restaurant thaï où j'ai réservé. La cuisine est plutôt d’inspiration indonésienne, si j’en crois l’intitulé des plats.
Je parle très mal. Khadija me demande de répéter presque systématiquement mes phrases.
Les plats s’avèrent plutôt épicés. Mon estomac proteste presque immédiatement, de même qu’en ingurgitant des morceaux de poulet frit. Autre inconvénient du lieu : on n’y sert pas d’alcool. Khadija insiste pour m’inviter.
Comme nous en sommes proches, je propose d’aller à pied en direction du cinéma et de nous trouver un bar en attendant l’heure du film. Après avoir renoncé à entrer ou rester dans différents cafés, nous trouvons un endroit qui nous plaît et nous installons au bar. De fait, l’ambiance est agréable et nous plaisantons avec les serveurs.
Mon Crime, le film d’Ozon s’avère très fabriqué. Sa façon distanciée de composer tant avec l’affaire Weinstein qu’avec des personnages stéréotypés, que surjouent les comédiens, si elle amuse à coup sûr, ne me conquiert toutefois pas tout à fait : on rit bien plus que moi dans la salle.
Je revois cependant avec plaisir, dans un second rôle, Félix Lefebvre.
* * *
Nous nous couchons dès que rentrés. Je constate auparavant que mes intestins n’ont pas vraiment apprécié notre dîner…