1557 - Retour à Dieppe (5)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Retour à Dieppe

[cidive]

Journal extime

(26 juillet - 2 août 2023)

 

5

 

 

Dimanche 30 juillet 2023

Seconde journée à Rouen.

Sur l’idée de M.-C., nous avons réservé la veille une place pour un aller et retour en bus. En revanche, M.-C. proteste que je le restaurant où j’ai réservé pour l’inviter à déjeuner est loin, et veut que j’annule. J’insiste alors : le centre historique est relativement petit : nous n’aurons à parcourir qu’à peine cinq ou dix minutes à pied à partir de la Place du Vieux-Marché.

 

Nous prenons le bus à la gare de Dieppe à 9 heures 20 — et sommes à 10 heures Quai Corneille.

Nous buvons un café près des musées de la ville pour nous faire confirmer ensuite auprès de l’office du tourisme tout proche que la plupart des musées sont fermés le matin. Nous nous rendons donc à l’Abbatiale de Saint-Omer, particulièrement lumineuse du fait de ses vitraux translucides,

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nous parcourons son jardin,

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puis nous promenons dans les ruelles du vieux Rouen.

Pour patienter jusqu’à l’heure du déjeuner, nous prenons un verre Place du Vieux-Marché.

 

Le restaurant s’avère très bon. Il propose une cuisine italienne fine et soignée, conforme à ce que j’avais escompté — à ceci près que je commande une « piscine » de vin rosé, laquelle consiste en vérité en une large coupe servie avec force glaçons, ce que j’aurais dû savoir puisque c’était cela qu’avait bu Duncan la dernière fois que nous nous étions vus. Je fais ôter les glaçons du verre. Le verre de vin rouge (un Negroamoro Primitivo) — je renonce à vider le précédent, sec et âcre et déjà gâché par ses cubes de glace — est excellent, en revanche. Et la note, à la fin du repas, est raisonnable.

 

Nous nous rendons ensuite au Musée Flaubert et de la Médecine, non loin de là.

Systèmes circulatoire et nerveux de la face, du cou et du thorax, Cire teintée, vernis, œil en verre, fils en textile, socle en bois, École de cérisculpture de Jean-Baptiste Laumonier, Réunion des Musées Métropolitains
Systèmes circulatoire et nerveux de la face, du cou et du thorax, Cire teintée, vernis, œil en verre, fils en textile, socle en bois, École de cérisculpture de Jean-Baptiste Laumonier, Réunion des Musées Métropolitains

Systèmes circulatoire et nerveux de la face, du cou et du thorax, Cire teintée, vernis, œil en verre, fils en textile, socle en bois, École de cérisculpture de Jean-Baptiste Laumonier, Réunion des Musées Métropolitains

Système circulatoire de la face, du cou et du thorax, Cire teintée, vernis, œil en verre, os et dents naturels, support en bois, École de cérisculpture de Jean-Baptiste Laumonier, Réunion des Musées Métropolitains, Cires restaurées avec le concours de l'Etat et la région Normandie (FRAR)

Système circulatoire de la face, du cou et du thorax, Cire teintée, vernis, œil en verre, os et dents naturels, support en bois, École de cérisculpture de Jean-Baptiste Laumonier, Réunion des Musées Métropolitains, Cires restaurées avec le concours de l'Etat et la région Normandie (FRAR)

Nous nous amusons souvent au cours de notre visite, notamment en raison des citations de l’écrivain reproduites sur les murs.

Je trouve très beau — et délicat — ce portrait de Maxime du Camp, l’ami éclipsé par Flaubert et dont, de fait, je n’avais jamais vu jusqu’alors de portrait.

 Eugène Quesnet, Maxime du Camp, Huile sur toile, 1844

Eugène Quesnet, Maxime du Camp, Huile sur toile, 1844

« […] et je pense évidemment à Flaubert aux prises avec sa Tentation de saint Antoine, je pense à Croisset où Du Camp et Bouilhet sont convoqués en septembre 1849 pour trente-deux heures de lectures assénées puissamment en quatre jours à raison de deux séances de quatre heures par jour. Je pense à ça. Il faudrait des lecteurs neutres, et une pièce où le travail de mise en tension du texte, et d’ajustement, se ferait de manière très organique, en face en face, corps à corps. Quitte à enterrer le texte, comme il fut fait à Croisset de La Tentation qui ne sera publiée dans sa version définitive qu’en 1874. Ce serait un risque à courir » (Marie-Hélène Lafon, Chantiers, Editions des Busclats, 2015)

1557 - Retour à Dieppe (5)
1557 - Retour à Dieppe (5)

« Gustave Flaubert avait alors vingt et un ans. Il était d'une beauté héroïque. Ceux qui ne l'ont connu que dans ses dernières années, alourdi, chauve, grisonnant, la paupière pesante et le teint couperosé, ne peuvent se figurer ce qu'il était au moment où nous allions nous river l'un à l'autre par une indestructible amitié. Avec sa peau blanche légèrement rosée sur les joues, ses longs cheveux fins et flottants, sa haute stature large des épaules, sa barbe abondante et d'un blond doré, ses yeux énormes couleur vert de mer, abrités sous des sourcils noirs, avec sa voix retentissante comme un son de trompette, ses gestes excessifs et son rire éclatant, il ressemblait aux jeunes chefs gaulois qui luttèrent contre les armées romaines. » (Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires, 1882)

 

J’achète à la sortie deux cartes postales — l’une représentant le torse du Christ peint par Caravage, bouleversant de réalisme et de beauté,

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l’autre, Mrs Algernon Bourke costumée en Salammbô, tableau vivant de 1897 bien dans le goût de l’époque, si kitsch qu’il prête à sourire…

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Traversant ensuite ce quartier ouvrier, nous remarquons la plaque d’une rue dont le nom nous plaît beaucoup, estampillée de la trace du récent mouvement social contre la réforme des retraites.

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M.-C. me dit qu’elle n’accompagnera pas au Musée de la Ferronnerie.

En vérité, le lieu même

Le Secq des Tournelles, Musée de la Ferronnerie, Rouen

Le Secq des Tournelles, Musée de la Ferronnerie, Rouen

et ce qui s’y trouve sont dignes d’une visite.

France, XVIIe siècle, Clef de maîtrise au Ganymède, Anneau à rosace centrale rayonnante surmontée d'un lanternon évidé, décoré d'un personnage masculin assis sur un aigle tenant dans chaque main la pointe des ailes de l'oiseau ; embase quadrangulaire évidée ; panneton à peigne ; tige forée très courte avec broche forée.
France, XVIIe siècle, Clef de maîtrise au Ganymède, Anneau à rosace centrale rayonnante surmontée d'un lanternon évidé, décoré d'un personnage masculin assis sur un aigle tenant dans chaque main la pointe des ailes de l'oiseau ; embase quadrangulaire évidée ; panneton à peigne ; tige forée très courte avec broche forée.
France, XVIIe siècle, Clef de maîtrise au Ganymède, Anneau à rosace centrale rayonnante surmontée d'un lanternon évidé, décoré d'un personnage masculin assis sur un aigle tenant dans chaque main la pointe des ailes de l'oiseau ; embase quadrangulaire évidée ; panneton à peigne ; tige forée très courte avec broche forée.

France, XVIIe siècle, Clef de maîtrise au Ganymède, Anneau à rosace centrale rayonnante surmontée d'un lanternon évidé, décoré d'un personnage masculin assis sur un aigle tenant dans chaque main la pointe des ailes de l'oiseau ; embase quadrangulaire évidée ; panneton à peigne ; tige forée très courte avec broche forée.

Ferdinand Marrou (1837-1917), Vestiaire, France, vers 1900, Fer forgé

Ferdinand Marrou (1837-1917), Vestiaire, France, vers 1900, Fer forgé

Italie du sud, Lit à colonnes surmontées de panaches, Fer forgé, découpé, autrefois peint, argenté et doré 272 x 216 x 192 cm

Italie du sud, Lit à colonnes surmontées de panaches, Fer forgé, découpé, autrefois peint, argenté et doré 272 x 216 x 192 cm

1557 - Retour à Dieppe (5)
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1557 - Retour à Dieppe (5)

J’enchaîne avec le Musée de la céramique, tout proche, plus attendu, et qui, de fait, me plaît moins.

Vases de la terre, Manufacture de Sèvres, 1888, Décor d'Henri-Lucien Lambert, Porcelaine polychrome

Vases de la terre, Manufacture de Sèvres, 1888, Décor d'Henri-Lucien Lambert, Porcelaine polychrome

Plat “Paris : chouette observant la ville”, Camille Moreau-Nélaton (1840-1897), France, 1883

Plat “Paris : chouette observant la ville”, Camille Moreau-Nélaton (1840-1897), France, 1883

Le jardin, en revanche, qui s'est gorgé des pluies de l’été, est luxurieusement fleuri.

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1557 - Retour à Dieppe (5)

Entre-temps, M.-C. m’a envoyé un message : elle s’est installée à la médiathèque du Musée des Beaux-Arts. Alors que je quitte ce jardin splendide, je l’avise en train de téléphoner sur les marches à l'entrée du lieu.

Sur la place, la statue de Calder, prêtée à un musée portugais, est portée absente jusqu’à l’été 2024.

Nous flânons. J’achète une carte postale dans un magasin spécialisé dans les estampes japonaises, dont je me dis qu’elle plairait à T.

Koitsu Tsuchiya, Lune d'été à Miyajima, 1936

Koitsu Tsuchiya, Lune d'été à Miyajima, 1936

Un nouvel accrochage a lieu au cours du dîner au sujet de la quantité des pommes de terres que j’ai fait sauter dans la poêle.

Comme je marque surprise et agacement d’être ainsi pris si régulièrement à parti — je comprends bien, certes, que nos individualités, habitus, manières de faire, penser et surtout de vivre seul(e) puissent produire quelques frottements et étincelles pour des vétilles, la conversation vise à ensuite à dédramatiser, expliquer la nature des escarmouches qui ont eu lieu ces deux derniers jours. M.-C. s’adonne alors à quelques confidences concernant ses relations avec les hommes, le plus ancien étant son père — naturellement. Je ne peux m’empêcher de penser que je voudrais ne rien avoir à faire ni voir pourtant avec ses père, ex-mari et amants…

 

Nous nous couchons assez tard.

 

 

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