1571 - Paris, début d’automne (2)
Paris, début d’automne
[récidive]
Journal extime
(27 septembre – 4 octobre 2023)
2
28 septembre 2023
Matin
Je reçois un message de Duncan : il est à Grenoble durant mon séjour et nous ne pourrons nous voir. Il m’amuse que, preuve à l’appui, il joigne un cliché de son billet de train.
Après-midi
L’exposition Corps à corps, issue de la collection du Centre Pompidou et de celle de Marin Karmitz, est un peu trop copieuse, et nous sommes bientôt débordés par sa cohorte d'images.
Christer Strömholm, España 164 B (1958-1959), Épreuve gélatino-argentique, 24,2 x 17,8 cm, Collection Marin Karmitz © Internet
Les photographies, toutes enfermées par une vitre, empêchent presque toujours la capture de clichés exempts de reflets. Je ne m’y livre donc que sporadiquement.
Johann Van der Keuken, Achter Glas, Amsterdam, C. De Boer Jr., 1957(durée : 2 min 30), Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Bibliothèque Kandinsky, Paris
(Je me trouve parfois en terre mémorielle familière, depuis la photographie de Nusch Eluard par Dora Marr — qui me rappelle l’exposition qui lui avait été consacrée au même endroit et les poèmes de le Temps déborde découverts à l'adolescence —
— jusqu’à celle de l’Inconnue de la Seine par Man Ray — qui me ramène à la lecture, vieille de quarante ans, d’Aurélien de Louis Aragon.
Man Ray (1890, Philadelphie [Pennsylvanie, États-Unis] - 1976, Paris [France], Le masque de l'inconnue de la Seine (illustrations pour Aurélien de Louis Aragon), 1966, Épreuves gélatino-argentiques, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Et, puisqu’il est souvent de genre [ici comme ailleurs, au cours de mon séjour, la question imposant décidément souvent son ordre du jour, comme la sous-représentation du sexe féminin, elle aussi dans l’air de notre temps], je songe aux propos acides et drôles de Duncan concernant ses collègues saisis par le iel lors de notre dernière rencontre devant S’He selon Ulay et sa performance avant-gardiste…)
Ulay, S’He (Self-portrait with wig), 1972, Épreuve à développement instantané (Polaroïd) 8,6 × 10,8 cm © Internet
Annette Messager (1943, Berck-sur-Mer), Mes Vœux, 1989, Épreuves gélatino-argentiques, verre, papier adhésif, ficelles Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Jakob Tuggener, Schiffsnieter [Riveteuse pour navire], 1947, Épreuve gélatino-argentique 60,5 × 50,5 cm, Collection Marin Karmitz © Internet
Judith, qui procède un peu plus lentement que moi (je lis plus vite qu’elle cartouches et littérature rupestre qui accompagnent les sept thèmes déclinés, en en sacrifiant même certains éléments), s’avoue bientôt à saturation. « Plus de cinq cents photographies ! », m’apprend-elle, s’impatientant d’en voir le bout. L’exposition lui plaît pourtant. Elle la recommandera à Laure.
Nous avions envisagé de voir peut-être l’autre exposition, Over the Rainbow, mais Judith déclare n’en vouloir plus mais.
Nous sortons donc et convenons de nous trouver un café tranquille — ce qui n’adviendra pas tout à fait — pour nous reposer de cette inflation visuelle.
En chemin, Judith parle de ses enfants. Laure a repris ses cours à l’université. Lucien poursuit ses études à Montpellier. Il ne donne guère des nouvelles, sauf, précise-t-elle, pour réclamer de l’argent.
Installés dans un bar, nous reprenons le cours, jusqu’alors en pointillés, de la conversation. Judith m’ayant interrogé sur ma demande en cours de pension d’invalidité, je développe la question en lui précisant que les organismes de retraites privés ont a déjà apuré mes deux demandes et versé, l’un une somme annuelle parce que bien trop peu conséquente, l’autre une rente mensuelle de 23 euros et une poignée de centimes !
Elle-même devrait prendre sa retraite en août. Je lui conseille de vérifier la procédure et les délais d’obtention auprès du Rectorat.
Nous parlons des expositions dont nous avons prévu la visite. J’avais proposé que Laure nous accompagne lundi, mais celle-ci ne sera pas disponible puisque en cours. Judith a vu la dernière rétrospective consacrée à Nicolas de Staël, dont elle cherche la date sur son téléphone et qui remonte à vingt ans. Elle a vu également la dernière exposition, en 1999, de Mark Rothko, laquelle débutera seulement à la mi-octobre.
Nos verres bus — elle me devance dans le règlement de l’addition —, Judith se propose d’aller acheter des strudels au pavot pour N. et elle. Je l’accompagne et la dirige même jusqu’à la rue des Rosiers, en m’amusant de cela puisqu’elle devrait être une parisienne plus aguerrie que moi. Dans la boutique, je m’aperçois qu’il est bientôt 17 heures et nous nous pressons alors jusque Saint-Paul, où nous nous quittons devant la station de métro.
(à suivre)