1595 - Voyage à l'Est (12), 20 octobre, Budapest, Prague
[récidive]
Journal extime
(Mitteleuropa, 12 octobre - 25 octobre 2023)
12
Matin et après-midi
Une lumière, puissante et drue, me réveille. Les rideaux la pièce tirés, je me crois en plein jour : l’alarme du téléphone n’a pas dû sonner. Or, c’est la minuterie de la cour de l’immeuble que quelqu’un a actionnée qui m’a ainsi tiré de mon sommeil. Il est cinq heures. Je me lève donc avec une demi-heure d’avance, ce qui me permet de vaquer tout tranquillement aux préparatifs de départ.
J’ai conservé cette avance quand je parviens à la gare de Déli — ce n’est pas celle par laquelle je suis arrivé, et j’ai bien fait de vérifier mon billet quelques jours auparavant — et je dépense mes derniers forints : un sandwich, une bouteille d’eau (dont je n’ai pas besoin), une barre de céréales [qu’à l’heure actuelle je n’ai pas entièrement mangée] et une banane (puisque l’argent restant, après pesée vaguement courroucée de la marchande, ne m’a permis d’acheter une mandarine !)… Je vérifie, du fait de ce dernier contact avec des commerçants, que les Hongrois ne sont, en général, pas très amènes avec les étrangers. Ainsi de la jeune fille à qui je demande mon sandwich. Peut-être est-ce aussi dû, du fait de mon élocution, à mes difficultés à parler anglais…
Le train pour Prague — j’en photographie les arrêts, afin de pouvoir déterminer l’avancée du trajet par a suite — est composé de wagons démodés aux sièges dont le tissu est tout élimé et l’assise réglable.
Je reste longtemps seul en queue du compartiment où je me suis installé. Il me semble d’ailleurs être en face, dans le sens de la marche, de la place qui m’a été attribuée, sur un siège confortable, avec de l’espace (y compris pour la valise au-dessus, et derrière, pour mon sac), et je joue ainsi les voyageurs comblés…
Je suis délogé dès le premier arrêt par un jeune homme, qui entend lui aussi voyager dans le sens du train.
Je constate, non sans un certain dépit, qu’en Tchéquie, pas plus en Hongrie, je pourrai régler en euros. J’avais oublié ce détail…
On nous distribue une bouteille d’eau minérale (décidément !) ainsi qu’une boisson chocolatée à haute teneur en protéines (1 foodie = 1 meal, est-il écrit sur l’emballage !).
A Hegyeshalom, le chef de gare siffle le signal du départ à 9 h 51, retard qui perdurera jusque Prague…
Arrivé à Prague, heureux de remettre des pas dans mes pas dans cette ville que, nonobstant les touristes surnuméraires, j’aime beaucoup, je tente mes premiers clichés du bâtiment ancien de la gare.
J’achète des titres de transport (que l’employée me vend au tarif senior, lequel défie toute concurrence ¡) pour les trois jours à venir dans le hall moderne en contrebas.
J’attrape ensuite un tramway, qui me mène en une dizaine de minutes dans le quartier, tout proche de la Tour de la télévision, où j’ai loué un appartement.
Ayant pris possession des lieux, je me rends au centre-ville et parviens en un quart d’heure Place de la République.
Après parcouru le centre historique, qui m’est désormais bien familier et pour lequel j’ai maint point de repère, après trouvé un bureau de change à peu près avantageux pour me procurer de l’argent liquide, je me rends à la Maison municipale et réserve une visite guidée pour le lendemain en début d’après-midi.
Je m’installe ensuite dans la taverne au sous-sol.
Là, je réponds à un message que T. m’a envoyé durant la journée. Je joins des photographies de l’endroit : « Pour l’heure, je bois une pinte de brune (la Tchéquie produit plus de bières que la Belgique) dans ma taverne préférée. »
Soir
Frustré du restaurant indien dans lequel je n’avais pu manger la veille à Budapest, je cherche sur la toile un équivalent où dîner. Il s’est mis à pleuvoir assez fort, et arriver dans ce lieu chaleureux rassure, autant qu’il est bon signe que la clientèle y soit pour moitié d’origine indienne…
Que j’aie commandé deux verres de vin laisse perplexe, même si j’ai tenté d’expliquer que le blanc, pour l’entrée, serait suivi par le rouge.
Lorsque je dis au serveur que ce que j’avais mangé était très bon (It was very good !), il me répond : « Bill ? » (Je songe à la serveuse de Singapour qui, elle, en place de bill avait traduit : (one more) beer !)
Tout en dînant, entre deux phrases que je ne note à la volée, j’observe mes commensaux : ce n’est certainement pas une légende que, passé un certain âge, les Indiens se portent bien d’avoir du ventre !…
On m’apporte — c’est une chose que je n’ai jamais vue — une bouchée qu’on arrose d’un liquide, laquelle (honni soit qui mal y pense) triple de volume ; je comprends alors en trébuchant dans l’esprit de l’escalier qui me caractérise (grâce aux voisins aussi et dans l’après-coup donc) que ce n’est pas le dessert mais un linge destiné à servir d’essuie-mains.
Il est assez tard quand je regagne, depuis ce quartier excentré, celui-ci où je loge, en m’amusant de l’éclairage bleu, rouge, blanc criard (assez laid au demeurant) de la Tour de la télévision…