1611 - Si bien que… ? (82)
Si bien que… ?
(Journal extime)
Work in progress
82
21 novembre
J’entends téléphoner ce matin à Khadija ; or, c’est J***, son frère, qui me répond. En fait, j’ai appelé un ancien numéro de mon répertoire, quand Khadija habitait avec sa mère chez son frère dans l’Ain.
Je m’excuse auprès de J***, raccroche et tombe ensuite sur le répondeur du téléphone portable de Khadija.
Elle me rappelle un quart d’heure plus tard.
Elle me retrace les funérailles de sa mère, dont, tandis qu’elle parle, je me fais une image mentale précise, issue probablement du souvenir d’un film que j’aie pu voir un jour. Toutefois, pour ne pas plaquer de représentation grossière ni passagère, je me contente ici de notations sèches : l’enterrement a eu lieu en Kabylie, le corps a été de nouveau veillé, et, le lendemain, quatre cents personnes sont venues de deux villages pour les funérailles (si tel est mot en terre d’Islam). La mère n’a pu être inhumée auprès de son mari, ni de son fils, Z***, qui s’était défenestré à ****. Khadija a insisté auprès des hommes présents pour assister à l’enfouissement du corps, et ce, contre les usages qui veulent qu’aucune femme n’assiste à une telle cérémonie. Khadija a argué que rien n’est dit dans le Coran sur pareille interdiction, s’est fait assister par son frère aîné, A***, en arguant également qu’elle avait donné sept ans de sa vie afin de prolonger l’existence de sa mère.
Elle me dit aussi que, rentrée de Paris, elle avait attrapé une pneumonie. Sa mère a pu décéder de cette infection qu’elle avait elle-même contractée. Je lui rappelle qu’elle n’était restée que deux jours et demi. Que l’incubation de la maladie pouvait remonter à bien plus loin. Et que sa mère, étant donné son état de faiblesse générale, a pu mourir pour une tout autre raison.
(J’écris dans le bar où travaillait Sacha. Ai-je rapporté ici que Sacha n’y travaille plus ? Ne le voyant plus depuis quelques semaines, j’ai demandé au garçon qui prépare les plateaux, la raison de son absence. Il n’aurait pas renouvelé son contrat. Sa présence me manque. L’a remplacé en salle un garçon sans charmes aucuns. Je mâche son prénom, Sacha, et remâche la disgrâce de l’avoir perdu.)