DE QUELQUES SOMMAIRES
Premiers pas sur un site gay (GayAttitude), site aujourd’hui disparu et regretté par les “Gaïens”, véritable plateforme d’échanges sans équivalent depuis. Début d'un blog, journal “extime” — parfois intime — non sans tâtonnements et difficultés. Premières réactions de “bloggeurs”, premières amitiés.
La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre par Naomi Klein [extrait]. Capitalisme du choc et désastre. Propagande et mensonges de l’ultralibéralisme. Le FMI comme pompier et pyromane. Vers l’émergence d’une troisième voie démocratique ? Conclusion (bien optimiste ?) de l’essayiste.
32. Aveux de Christine sept ans après : dissymétries affectives, d’elle à moi, — de moi à R***. Amours incestueuses quintessenciées. « Mais… pour cet amour-là, merci… et chapeau bas ! »
33. Pas de vase, mais une boîte laquée sur le piano. Et quelques partitions. Adieux et dernière leçon de Christine.
Réflexions sur mon journal, de moins en moins “extime”, de plus en plus intime. Des personnes sont devenues des personnages. Solipsisme, intransitivité de l’écriture, re-présentation accusant la non-présence de mes interlocuteurs. Charles : « En fait, je crois que je suis gêné qu'on parle de moi… ».
Carnet d’un confiné. Hémorragie intestinale de ma mère, hospitalisée en urgence. Aucune visite possible. Impossible, de plus, de communiquer avec elle du fait de son aphasie. Pénurie absolue de masques, lieux publics fermés. Réminiscence de la fable de La Fontaine, “Les Animaux malades de la Peste”.
19-23 mai 2020
Opus ultimus des 19-23 mai. Travail abrutissant devant l’ordinateur. Mon congé a été obtenu. Courriel à Julien W. Du confinement et du repli dans ma coquille. De la continuité pédagogique et de la fin de ma carrière de professeur. Lignes crépusculaires, comme par un obscur pressentiment de la suite.
Numéro zéro. Hospitalisation en raison d’un infarctus cérébral (par suite du confinement ? d’un surmenage ?). Je pars avec pour seul viatique ma carte d’identité et ma carte de sécurité sociale. Mes amis attendent pour communiquer avec moi. Mon père à Simone : nous ne connaissons depuis la seconde !
J’étais parti les mains nues, sans affaires de toilette, sans rien. Que je puisse écrire (alors que je ne parlais plus) paraissait douteux. Pourtant je m’aperçois que je sais encore lire à cause d’une affichette dans la chambre. Christine : échanges possibles. Je réclame par écrit un kit de survie.
Je rencontre un ergothérapeute, fatigué mais sympathique. Par la fenêtre, je vois chaque jour l’hôpital Saint-Julien où J.-M. est mort. Je transmets les quatre chiffres du “code PIN” de mon mobile, ainsi que les six autres afin de le débloquer. Le crayon échappe à la prise de mes doigts insensibles.
En vérité, j’ai fait un AVC. La femme de ménage me découvre, appelle mes parents. Je suis transporté aux urgences. Mes esprits revenus, je me sais sauvé. Mais le langage est naufragé. Obstinément, je tâche que me soient relâchés, dans la gangue rétive, ténébreuse, de la mémoire, les noms de proches.
Je pleure de ce que je suis devenu, de mon langage défaillant. Le neurologue prescrit des antidépresseurs. Pose d’une sonde urinaire. Harnaché d’une perfusion à gauche et à droite d’un tensiomètre, cloué sur ma couche, je reste dans l’incapacité de subvenir en toute autonomie à aucun de mes besoins.
Chaînes : mon père lit Annie Ernaux, tout en enjambant les ouvrages où « Annie » raconte « ses galipettes ». Eternel débat : doit-on raconter sa vie sexuelle — cf. Julien Green, Dominique Fernandez, Arthur Dreyfus… qui n’ont pas la même position — ou faut-il gazer (pudeur de gazelle ?) son propos ?…
Dédicace à Charles. In Paris again. De l’âge et de la taille des oreilles : merveille de la petitesse de jeunes oreilles. Travaux dans le quartier Oberkampf. Installation dans l’appartement. A la recherche d’un bar. Je retrouve le pendentif que m’a offert mon père, adopté tel un grigri conjuratoire.
Rendez-vous avec Aymeric. Premier café. Il n’est pas allé au cinéma depuis fort longtemps. Nous parlons de son travail ; il évoque des douleurs dues à l’âge (« de l’âge », encore et toujours). Séance complète. Nous devons nous rendre dans une autre salle à Odéon. Bâtons rompus dans un deuxième café.
En compagnie d’Aymeric. Les Carnets de Siegfried de Terence Davies. Troisième café. Succession notariale retardée. Restaurant indien. Le serveur magnifique arbore désormais une barbe opulente… et des lunettes ! Lectures récentes. Projets de vacances. Retour ardu, le trafic du métro étant interrompu.
Exposition consacrée à Tina Modotti, l’Œil de la Révolution. Puis deuxième exposition : installations et vidéos de Bertille Bak, intitulée Abus de souffle. Déjeuner avec Judith. Des (mauvaises) nouvelles des uns et des autres. Troisième exposition : le Goût de la Renaissance à l’Hôtel de la Marine.
Je visite à Orsay l’exposition Paris 1874, Inventer l’impressionnisme. Ont été reconstitués les salles et l’accrochage originels. Je découvre l’œuvre de Nathanaëlle Herbelin, avant d’errer à l’aventure dans quelques salles du musée — et de rendre hommage à Frédéric Bazille, peintre trop tôt disparu.
Nice et la mer. Décevants. L’exhibitionnisme au mètre carré atteint ici des records. Les parents de Nathalie habitent sur les hauteurs rocheuses provençales. Dans le wagon-lit, un charmant compagnon de voyage de nuit. Il flottait, dans cette atmosphère, un parfum de phantasme… Fatigue et méridienne.