1750 - De l'Inde au Népal, Lettre à J.-M., juillet-août 1989 (7)
in memoriam J.-M.
Katmandou, 19 juillet 1989
Rivé à Katmandou et ses pluies. La mousson bat son plein. Je n’ai jamais vu en Asie tomber tant d’eau : on dirait un printemps pluvieux en Lorraine. L’on ne voit jamais l’Himalaya — mais il nous abrite de son toit, le plus grand du monde !
Je demeure, pour l’instant, dans une guest house plus que correcte (moquette, tapis tibétains, chambre spacieuse, salle de bains avec baignoire + eau chaude) pour l’équivalent de 40 F. En Inde, j’ai payé plusieurs fois le double pour un confort beaucoup plus sommaire… L’on ne peut s’empêcher de faire d’ailleurs ce type de rapprochements. Tout va très nettement en défaveur de l’Inde. Ici, les gens sont plus aimables — et souriants. La température est agréable. Je me demande si je vais passer les dix derniers jours au Cachemire, comme je l’avais initialement prévu…
Je n’ai pas quitté Katmandou, c’est le seul point noir, pour le moment, de mon séjour. Durbar Square et son accumulation de monuments est un très bel endroit.
Le quartier de Thamel, où je réside, [lui, s'avère] fascinant, dans son lacis de ruelles animées (jusqu’au soir, car après 22 heures…) Diverses corvées administratives nous ont conduits ici et là, et je me repère à présent très facilement (il faut dire que ce n’est tout de même as très grand). Tout à l’heure, je me suis acheté [une espèce de] long poncho [imperméable] pour me protéger de la pluie : je me lancerai dans une première balade dans les environs demain…
A présent reposé, je vois nettement la fatigue que j’avais accumulée avant de venir ici. L’Inde n’est pas une partie de plaisir ! Je regretterai tout de même — très certainement — de n’avoir séjourné plus longtemps à Bénarès…
La diarrhée m’a quitté. Hervé, Sylvaine et Jackie ont la bronchite. La mousson amène des bactéries perverses… Les voies respiratoires sont encombrées et, si j’ai été épargné jusqu’ici, j’ai parfois des crises d’éternuement.
Nos origines galopent après nous, sautent les méridiens, en dépit de toute distance. Il y a deux jours, j’ai été interpellé par un motard : sous le casque, j’ai reconnu un nancéien, un des habitués du C**** autour de Frédéric-Germain, un grand brun maigre au visage allongé en forme de poire, légèrement dégarni [aux tempes], dont vous vous souviendrez peut-être. Il s’appelle Bertrand C., fait sa coopération ici, où il est médecin à l’Ambassade de France. Il m’a invité à le contacter. Comme Jackie, Sylvaine et Hervé étaient malades, je les ai accompagnés à l’Ambassade ce matin. Le monsieur m’a invité à déjeuner chez lui. Je suis même invité à séjourner chez lui, ce que je ferai peut-être demain. (Je me dis qu’il doit se sentir seul… je ne sais pas… Ce pourrait être intéressant… Je lui téléphonerai demain et verrai si la proposition tient toujours…)
Sinon ? Je n’ai pas encore fait d’achats. J’attends d’être certain que certains objets me plaisent — il y en a peu, en fait — et que je les paie au juste prix. Détail : les tapis népalais que l’on trouve ici n’ont rien à voir avec ceux que j’ai vus en France ; c’est le même type de points et de laine, mais les motifs ne sont pas géométriques, mais d’inspiration chinoise ; je les trouve parfois assez beaux. [P.-S. - Ce sont, paraît-il, des tapis tibétains. Il y a ici beaucoup de réfugiés.]
J’ai lâché un peu mon trio, qui séjourne désormais ailleurs. La ville est très touristique, et je ne crois pas qu’il y ait grand-chose à attendre de promenades en solitaire : ici, l’on ferre le client ; mais on insiste beaucoup moins qu’en Inde, et c’est sans agressivité.
La vie, de manière générale, est fort peu chère. Moins qu’en Inde, Thaïlande ou Indonésie. Il faut dire que, s’ils ne meurent pas de faim, les Népalais sont très pauvres…
Je suis passé à la compagnie aérienne de Birmanie. Les frontières demeurent fermées. Bertrand, m’a-t-il dit, ira peut-être [au Tibet]. Mais ce sera parce qu’il sera invité par l’Ambassade de France. Bref, je suis fort indécis sur le programme des deux dernières semaines de ce voyage…