De Lille à Bruges (2)

Publié le par 1rΩm1

 
 
De Lille  à Bruges

 

 Journal extime

 

(15 - 23 juillet 2025)

 

2

 

 

16 juillet 2025

Je passe une assez mauvaise nuit. Je suis réveillé dès 5 heures 20, après que Khadija s’est relevée pour donner au chat l’accès au jardin.

*  *  *

Notre voyage durera quatre heures trente jusque Roubaix.

Partis par précaution un quart d’heure en avance, nous faisons une halte d’une dizaine de minutes à Rocroi afin de prendre une première passagère, Ophélie, jeune et jolie fille sympathique de vingt-six ans, amenée par ses parents, lesquels ont l’air rassuré de nous la confier pour le voyage, Khadija et moi. De fait, Ophélie, dont c’est le premier trajet par l’intermédiaire du site grâce auquel elle a réservé, se montre elle-même en confiance et entretient une conversation plutôt intéressante, dont Khadija s’empare avec un sens insigne de la répartie.

Mais le second passager que nous prenons à une station service proche de l’aéroport de Charleroi — non sans avoir tourné en rond, avant d’être guidés par Ophélie ayant mis en service son propre GPS —, autrement bavard encore, occupera tout le terrain de ses considérations oiseuses sur l’existence, la sienne et de sa femme et de ses enfants, sa voix de stentor couvrant les indications fournies de l’assistant de guidage de mon téléphone, rendues en partie inaudibles, jusqu’à l’exaspération.

Ce sera donc un véritable soulagement, après qu’Ophélie sera descendue non loin d’une station de métro à l’entrée de Lille, de le débarquer enfin près de chez sa sœur à Roubaix.

Là, délivrés de Mohamed et à l’écoute libre de ce que nous souffle le GPS, nous nous garons sans difficultés à proximité d’une agence du Grand Lille en vue d’acheter un “pass” qui permettra de voyager toute une semaine dans les transports en commun de la métropole.

Cependant, il est plus de 13 heures 30 et nous mourons de faim. Nous déjeunons auparavant d’un assez bon sandwich et d’une bière à la terrasse d’un bar du centre ville, tandis que Khadija s’effare des nombreuses jeunes femmes voilées et dressées en noir que nous voyons passer.

Après nous être procurés le précieux sésame nous garantissant la libre circulation sur place et avant de prendre possession de l’appartement à Lille même, nous nous garons non loin de la Piscine, trouvant une place gratuite dans une rue adjacente.

C’est ma seconde visite au musée. Les œuvres exposées sont inégales, les plus intéressantes ayant souvent été prêtées par d’autres musées. Khadija se montre parfois réticente, et je la sens un peu déçue. J’avais d’ailleurs primitivement pensé me rendre au LaM de Villeneuve d’Ascq (et en profiter pour laisser ma voiture sur le plus grand parking-relais de la métropole), mais l’endroit demeurait fermé du fait de travaux.

De Lille à Bruges (2)
De Lille à Bruges (2)

Je rate des prises de sculptures de Giacometti, Bourdelle exposées à contrejour

Marino Marini (1901, Pistoia [Italie] - 1980, Viareggio [Italie]), Pugile, 1935, Bois, Dépôt du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne/ Centre de création industrielle

Marino Marini (1901, Pistoia [Italie] - 1980, Viareggio [Italie]), Pugile, 1935, Bois, Dépôt du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne/ Centre de création industrielle

Jacques Gruber (1870, Sundhouse - 1936, Paris), Paysage des Vosges, 1903, Vitrail en verre anglais et américain, verre doublé, gravé à l'acide et superposé, Dépôt du Centre national des arts plastiques

Jacques Gruber (1870, Sundhouse - 1936, Paris), Paysage des Vosges, 1903, Vitrail en verre anglais et américain, verre doublé, gravé à l'acide et superposé, Dépôt du Centre national des arts plastiques

Valentine Prax (1897, Bône [Algérie] - 1981, Paris), Grande figure de femme, vers 1953, Huile sur toile, Dépôt du Centre national des arts plastiques

Valentine Prax (1897, Bône [Algérie] - 1981, Paris), Grande figure de femme, vers 1953, Huile sur toile, Dépôt du Centre national des arts plastiques

 Bruno Desplanques (1966, Lagny-sur-Marne), Adam et Yves, 2007, Huile sur panneau de bois

Bruno Desplanques (1966, Lagny-sur-Marne), Adam et Yves, 2007, Huile sur panneau de bois

et découvre ensuite des peintures d’un artiste qui m’était inconnu, Marc Ronet, dont m’attirent tout de suite les autoportraits, puis, bientôt, les peintures sous influence de Mark Rothko.

Marc Ronet (Né en 1937 à Marcq-en-Baroeul), Autoportrait, 1963, Huile sur toile

Marc Ronet (Né en 1937 à Marcq-en-Baroeul), Autoportrait, 1963, Huile sur toile

Marc Ronet, Autoportrait ou L'homme, 1964, Huile sur toile

Marc Ronet, Autoportrait ou L'homme, 1964, Huile sur toile

Marc Ronet, Bâtons, diptyque en largeur, 2001-2002, Huile sur toile

Marc Ronet, Bâtons, diptyque en largeur, 2001-2002, Huile sur toile

Marc Ronet, Grand diptyque bleu aux deux rideaux, 2009, Huile sur toile

Marc Ronet, Grand diptyque bleu aux deux rideaux, 2009, Huile sur toile

Nous demeurons malgré tout deux heures et demie sur place.

 

Nous nous garons en fin d’après-midi à Lille dans le quartier de Wazemmes rue B*** en face de l’immeuble où j’ai réservé deux semaines plus tôt un appartement.

 Après que Khadija a débloqué la boîte à clefs accrochée au moyen d’un antivol à la gouttière de l’endroit, nous prenons possession du lieu, que nous découvrons lumineux, propre et correct. Khadija déplore incontinent qu’il faille traverser la pièce principale et la chambre pour accéder à la salle de bain. Après avoir débattu un court moment à propos du couchage — qui dormirait sur le canapé-lit de l’espace-salon, qui dans la petite chambre attenante —, je cède à l’argumentaire de Khadija, au prétexte invoqué de sa part que, si elle prend la chambre, elle pourra fumer à la fenêtre.

 Nous ouvrons grand d’ailleurs les fenêtres afin de créer un courant d’air et rafraîchir les lieux, puis sortons faire quelques courses sommaires pour le lendemain.

Et nous attablons à la terrasse du bar le plus proche — cent cinquante mètres tout au plus — après avoir commandé deux bières locales selon les descriptifs et recommandation du gérant, un trentenaire sympathique   qui s’avèrera de bon conseil.

J’invite ensuite Khadija dans un restaurant libanais sis à l’autre bout de la rue (je me tromperai d’abord de direction et nous devrons rebrousser chemin), auquel Khadija téléphone pour se faire confirmer la possibilité d’une venue tardive puisqu’il est déjà plus de 20 heures 30.

Un jeune et joli levantin (de par son ascendance, mais qu’on peut supposer né moins de vingt-cinq ans auparavant né France) nous accueille et nous servira durant le repas, lequel s’avère original et bien cuisiné. Outre son sourire vraiment charmant, je ne peux m’empêcher de remarquer lors des va-et-vient de notre serveur le pantalon flottant seyant qui l’habille ainsi que le pénis qui s’y dessine en jouant librement sous le tissu.

Khadija m’entreprend d’ailleurs — je ne lui dis pas que s’offre à ma vue la jolie danse du membre du garçon — sur les lovers dont je suis amené à faire la connaissance sur des sites de rencontres. Je précise que les rencontres sont sans doute plus faciles entre gays qu’entre les deux sexes, celles-ci n’exposant vraisemblablement pas aux goujateries de mâles en chasse…

 Le vin rouge que j’ai choisi ne plaît guère à Khadija, qui lui trouve un arrière-goût âpre et dont elle me cédera le reliquat.

Nous tombons de fatigue et, le repas achevé, nous hâtons de rejoindre l’appartement.

Je ne suis pas persuadé que notre dîner ait plu à Khadija puisqu’elle oublie de m’en remercier. Je me demande si un préjugé puissant envers toute autre cuisine que les plats maghrébins ne fausse pas son jugement — puisqu’elle avait mentionné que le restaurant libanais de la rue Daguerre où nous avions déjeuné en compagnie de Judith lui avait fortement déplu…

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article