530 - Paris – Lille – Paris : journal par (r)accroc (10)
Samedi 26 octobre
Lille, matin
J’ai quitté Cyril, mon sympathique logeur, qui m’a conduit jusqu’à la gare [Europe ? Flandre ? je ne sais désormais plus laquelle des deux] où il devait de toute façon retrouver des gens pour les “covoiturer” jusque Reims — et même fait mes adieux à Jo, le chien si sage, si bien éduqué.
(Je laisserai un commentaire en ce sens — en même temps qu’un commentaire (naturellement) plus élogieux encore sur son propriétaire... — sur le site par lequel j’avais réservé ma “chambre”, avertissant ainsi d’autres postulants que toute prévention canine pouvait être abdiquée, et ce, non sans songer aux chiens de S., qui, s’ils sont bien dressés, sont beaucoup plus envahissants, et, s’ils n’aboient pas au studio de danse où enseigne S., sont autrement bruyants si quelqu’un vient à sonner au domicile de S. et P.
Le commentaire laissé en retour par Cyril m’a laissé songeur, qui pourrait se faire dissuasif : Romain est quelqu'un de calme, arrangeant et très cultivé.)
Samedi 26 octobre
Roubaix, matin, début d’après-midi
J’arrive un peu avant 11 heures devant La Piscine à Roubaix, cette ancienne piscine art déco transformée en musée, dont m’avait parlé Lucien, et sur la foi de qui j’ai eu envie de la visiter. Le lieu — je m’en étonne —, dont je fais le tour complet sans trouver d’abord l’entrée, n’ouvre qu’à partir de 13 heures le week-end. Me voici contraint à « visiter » Roubaix, ce qui ne me ravit qu’à demi, mon sac de voyage en bandoulière pesant lourdement à l’épaule...
Après avoir visité l’église Saint-Martin en face de la mairie, seul monument historique digne d’intérêt, semble-t-il après un tour rapide du centre ville, du fait notamment de son retable, je déjeune assez correctement dans une brasserie non loin de là.
Après-midi
La Piscine enfin ouverte, j’en visite lentement et systématiquement les salles, soulagé d’avoir laissé dans un casier qui sert de consigne mon sac devenu trop pesant et n’étant pressé en aucune façon.
C’est un joli endroit. Il gagnerait pourtant à ce que la piscine soit tout entière découverte, dégagée de ces avancées en bois qui la recouvrent en partie...
La lumière et les reflets tombant des verrières et des vitraux que réverbère l’eau, les couleurs douces et irisées, les visiteurs qui se fondent dans le décor et les statues — l’idée de ces effigies au bord de l’eau dont certaines miment le plongeon séduit autant qu’elle agace un peu dans leur réduplication —, tout cela flatte l’œil et l’éblouit.
Une discussion avec une jeune gardienne m’apprend que certains de ses collègues ont appris à nager ici. A dire vrai, ces lieux semblent bruire de toutes sortes de spectres qui l'habitent — ce que semble vouloir rendre une bande-son qui se fait entendre à intervalles réguliers, faite de cris d'enfants et de plongeons dans ces réverbérations, cette fois sonores, propres aux piscines...
Les œuvres exposées sont inégales — du moins à mes yeux —, mais j’en photographie certaines — en dehors des circuits déjà balisés (Ingres, Picasso... Camille Claudel...) par la littérature d'accompagnement distribuée à l'entrée en même temps que les tickets de caisse —, qui me plaisent, ou m’en évoquent d’autres, ou m’amusent, selon (donc) de bonnes ou mauvaises raisons...
Alors que je me trouve seul dans le jardin du musée, j’appelle **** après deux précédents appels infructueux, où je me suis vu opposer — du moins mon imagination le vit-elle ainsi — le répondeur de son téléphone fixe, puis mobile. Rendez-vous est pris Place Sainte Opportune à 21 h 15.
Fin d'après-midi et début de soirée
Je reprends le tramway en sens inverse, pour retourner à Lille. Le melting-pot me paraît plus important encore dans ces wagons que dans les rames du métro parisien. Beaucoup de femmes voilées en noir, le visage cerclé comme les nonnes autrefois. J’ai une impression d’exotisme surtout par rapport à ma propre ville, comme si, dans mon far east, le monde contemporain n'avait pas tout à fait encore pénétré, en même temps que ces visions ont l'air de charrier une immense régression, une aliénation, une servitude aussi énorme que l'étaient autrefois ces vocations qu'on avait toute raison de dire « forcées ».
Je vais une nouvelle fois, comme déjà la veille, approfondir la cartographie du vieux Lille, en attendant l'heure de mon train [à la gare Europe ? ou Flandre ? je ne sais désormais plus laquelle des deux] .