1271 - Précoce vendange, vendange tardive (Journaux parisiens parallèles) (7)
Précoce vendange,
vendange tardive
Journaux parisiens parallèles
(Journal extime)
Work in progress
7
7 septembre [suite]
Après-midi
Je m’enfonce dans une sieste un peu lourde et longue de près de deux heures.
Soirée
Patrice m’a invité à dîner chez lui. Il m’a envoyé un message en milieu d’après-midi pour spécifier, comme je le lui avais demandé, quel vin choisir pour accompagner notre repas. Il me précise que je peux, si je le souhaite, venir plus tôt.
Je me mets donc en route vers 18 heures et remonte en ligne droite les rues qui mènent à Ménilmontant, non sans m’arrêter chez trois cavistes successifs : l’un dit ne pas avoir de côte roannaise dans son stock, et j’hésite à acheter un beaujolais, également proposé pourtant par Patrice ; l’autre ne dispose pas davantage du même cru, que j’aurais volontiers goûté ; et je me rabats sur un Juliénas que m’avait conseillé le précédent, censé accompagner aussi bien une viande qu’un plat végétarien (j’ignore ce qu’a cuisiné Patrice) ; le troisième n’a pas plus de côte roannaise que les précédents, et je dois renoncer à téter ce sang du Christ inconnu pour le dîner…
Le tire-suisse de l’immeuble ne daigne pas fonctionner, et Patrice vient donc m’ouvrir.
Il a déjà entamé une bouteille de bière, dont il me sert le reliquat.
Après que je l’ai informé du décès de ma mère et en ai précisé les détails — ce qui nous ramène à la cérémonie funéraire en l’honneur de J.-M. et au fait que le bâtiment qui contient le crématorium et les salles de réception a changé d’emplacement —, il me fait visiter l’appartement, dont il a rénové les pièces, hormis la cuisine et la chambre, peintures ou papiers peints, au printemps dernier.
J’apprends qu’Emma s’est séparée de son ami, celui-ci ayant été pris de panique à l’idée de devoir vivre une vie rangée auprès de sa compagne et de son enfant ! Je m’étonne de pareille inconséquence. Emma et lui se sont arrêtés à un compromis, lui, dénichant un courtier en vue de racheter une part du pavillon récemment livré, un dédommagement assez confortable ayant été trouvé pour Emma, ce qui lui permettra d’emménager dans un appartement à elle…
L’autre de ses filles — je m’étais trompé sur son prénom, confondant avec les filles de François, en l’appelant Madeleine — a été embauchée sur un statut de fonctionnaire (Patrice ignore lequel exactement), tant et si bien que, puisque son conjoint travaille au Ministère des Finances, leur avenir semble sur rail.
En revanche, je persiste à part moi à me sentir chagrin de la lâcheté de son ex-compagnon pour Emma, qui devra élever seule ou presque son enfant. (Patrice me précise qu’il n’existe légalement pas de garde alternée avant l’âge de la maternelle et qu’elle n’aura pas le souci, en ce qui concerne la crèche, de devoir aménager je ne sais quel planning et partage d’enfant.)
Patrice a cessé de fumer depuis presque deux mois. Il recourt à des patchs de nicotine dont il réduit par tiers la dose toutes les quatre semaines — le dernier tiers étant programmé dans les jours qui suivent. A ce propos, je ne sais pas pourquoi j’avais écrit dans mon journal en juin avoir oublié que Patrice était fumeur — puisque j’avais eu bel et bien l’envie à diverses reprises de lui conseiller d’arrêter le tabac, son père étant décédé d’un cancer du poumon, et son frère, du cancer de la vessie… Je l’encourage donc à poursuivre, en lui disant que je n’ai pu que me féliciter d’avoir cessé la cigarette, en ajoutant que c’est la seule chose intelligente que j’aie faite, vingt ans auparavant, de mon existence. Lui-même en reconnaît le bénéfice, notamment à vélo, puisqu’il a recouvré plus de souffle, de même qu’aura disparu presque du jour au lendemain une bronchite chronique.
Il a pris toutefois un peu de ventre (je l’avais remarqué auparavant, de même que celui, bien moindre, qui poignait à Aymeric sous le polo — attentif, en fait, à pareil détail, puisque dans la détestation du mien, apparu ces mois derniers et me trouvant en excès pondéral d’au moins cinq ou six kilos)…
Il est 20 heures 15 quand Patrice propose de dîner. J’ai très faim, et ce qu’il a préparé — un melon et du jambon cru, une salade de tomates, lentilles, saucisse de Morteau — s’avère très bon. Il commente le fait qu’il n’achète désormais plus de fromage, les fromages qui lui feraient plaisir étant devenus hors de prix.
Il s’enquiert de ce que j’ai pu faire durant mon séjour.
Il va fêter avec ses collègues son départ à la retraite, pot longuement différé en raison du dernier confinement. Il espère que ce sera l’occasion de se voir remettre la « carte culture » dont il m’avait parlé la dernière fois, laquelle lui permettra l’accès gratuit aux musées nationaux et à ceux de la capitale. Un collègue lui a offert un dessin où il est représenté ainsi que les neuf ou dix membres de son équipe. Y figurent Mona Lisa juchée dans un arbre, des personnages, hommes et femmes, échappés du tableau de Jheronimus Bosch la Nef des fous : tout cela est plaisamment croqué.
Patrice me transmet les amitiés d’Anne. Je n’ose alors demander si le projet qu’elle a de partir en décembre pourra se concrétiser.
Patrice s’occupe beaucoup de ses petits-enfants, ce qui lui procure un certain plaisir. Il me montre deux courtes vidéos des bambins : la fille de Lucie est filmée en train de faire ses premiers pas et elle semble y éprouver un plaisir extraordinaire ; le fils d’Emma, lui, mange un pot de yaourt avec entrain et se débrouille plutôt bien avec sa cuiller.
Patrice, à ce propos, m’expose le protocole alimentaire préconisé par les pédiatres : on étale devant eux de la nourriture à disposition, autant qu’ils veulent, tandis que les bambins choisissent quoi manger…
Les deux cousins ont approximativement le même âge : l’une a devancé l’autre pour ce qui concerne le langage tandis que le fils d’Emma a marché plus tôt (à moins que ce ne soit l’inverse ?).
Le repas fini, Patrice propose de boire un verre en terrasse.
Nous sommes bientôt dans le café où il a ses habitudes, mais le patron, Ahmed, après nous avoir demandé nos « passes », refuse que nous installions sur la terrasse. Je m’étonne — à la fois de ce refus et de sa demande, y compris auprès de Patrice, de ce sésame sanitaire. Une cliente, elle aussi figurant parmi les habitués, nous explique qu’Ahmed a été contrôlé le jour même par la police. Et j’apprends que les terrasses doivent fermer dès 22 heures à Paris.
Nous sommes donc bientôt rejoints par cette femme, belle et chaleureuse, qui répond au nom de Samia. Si elle se montre si familière avec Patrice, qu’elle paraît bien connaître et apprécier, — et bientôt avec moi, qu’elle prend sans façon par l’épaule —, c’est en raison de son ébriété : elle avoue bientôt avoir déjà bu sept ou huit verres de rosé (dans lesquels elle se fait ajouter des glaçons).
Nous sommes servis au comptoir (nous nous sommes installés là) par un long jeune homme au physique agréable, au sourire confondant, dont Patrice me dit qu’il doit le lendemain faire sa rentrée universitaire.
Ahmed semble plus encore pris de boisson que ne l’est Samia. Il se verse un verre d’Irancy, et je commente cette soulographie au bourgogne. Le côte du Rhône blanc qu’a choisi pour nous Patrice chante au palais.
La conversation, entre autres menues choses, dérive sur la station de radio musicale que nous entendons, Samia fredonnant la chanson de Patti Smith (Dancing barefoot ?). Ahmed parle d’un prochain concert en novembre à Paris de l’auteure de We three. Patrice, lui, parle d’un concert le mois suivant de Arno, qu’il dit préférer à Patti Smith. Je n’ai garde de le contredire (je n’aime guère les chanteurs qui ne chantent pas…), d’autant qu’il admet que la chanson que nous entendons est agréable…
Patrice évoque la mort de Jean-Paul Belmondo, en commentant sa filmographie pauvre en très bons films. Il a revu notamment les Tribulations d’un Chinois de Philippe de Broca. J’évoque, pour ma part, A double tour de Claude Chabrol — peut-être son premier film — en pensant à la séquence où, filmé de dos, on le voit évoluer nu dans une salle de bain…
Les jours qui suivront, nous n’en pourrons des hommages rendus à l’acteur jusqu’à plus faim…
Bref, notre conversation, dans laquelle se glisse tantôt Ahmed, tantôt Samia, est aussi décousue que bon enfant, et Patrice propose de prendre un autre verre. Le précédent, dit-il, était offert par le patron (j’ignore quelle convention a pu jouer entre eux pour que Patrice ait compris cela), et Samia demande que Patrice lui paie un nouveau verre de rosé.
Je refuserai un troisième verre, sentant l’alcool faire son effet, et, puisqu’il est 23 heures, amorce un départ. Nous partons de conserve, Patrice et moi, et nous quittons avec la promesse de nous voir bientôt, sinon à **** (Patrice dit envisager, peut-être avec Emma, un aller et retour jusque L***, pour venir entretenir la tombe familiale, et je l’invite volontiers à pousser jusque **** et à rester une nuit chez moi) du moins à Paris.
Durant le trajet qui me mène jusque chez Pascal et F., je tâche de redresser mes pas, et marcher pendant près de deux kilomètres finit par me dessaouler un peu.
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Mercredi 20 octobre 2021
Soirée
Je vais ouvrir la porte d’entrée à Patrice, puisque Son a fermé à clé.
Nous embrassons. (Depuis cb de tps. Songe à J.-M.)
Il pose une bouteille de pinot noir d’Alsace, que je mets au frais.
Nous nous installons au salon (dans lequel je ne suis pas encore allé depuis le début de mon séjour) et je lui laisse ouvrir la bouteille de bière.
Il me dit qu’il ne boira plus trop : il a commis des excès la veille en compagnie d’amis qui ont offert tournée sur tournée. De fait, il a le teint brouillé des lendemains de cuite.
Il développe assez longuement sa coopération au sein d’une association auprès des « nécessiteux » (c’est le terme qu’il emploie) de son quartier et de celui de Belleville. Avec d’autres bénévoles, il récupère auprès de maraîchers “bio” de Rungis des cagettes qu’il distribue ensuite pour une somme modique. Lui-même a tout loisir de prélever quelques fruits et légumes pour lui. (Il expose tout cela avec moins d’autosatisfaction que n’en avait dans la voix et la mine Denis/
Je parle du film vu la veille
A vu un « biopic » sur Gustave Eiffel, qui ne lui a plu du tout. En revanche, l’histoire d’un homme bipolaire (titre anglais, dont j’ai entendu parler, mais pas retenu
Je parle du Louvre
Dénigre l’expo [sur La Grèce]
Au cours de la soirée, /dénigrera \ ou manifestera toutes sortes de préventions, qui me surprendront un peu : Hockney et sa peinture sur tablette (concède que peut-être un peintre comme Matisse aurait pu [recourir lui-même à de nouvelles technologies]
… la fondation Vuitton, trop loin
… les assiettes à dessert de F. et de Pascal
… les cartes magnétiques du métro
N’est pas retourné sur son lieu de travail/ anciens collègues désormais trop préoccupés par leur/ travail, dont il s’est dorénavant détourné et que la conversation n’intéresse plus guère
Kilos en trop Est retourné à la piscine — d’autant qu’il me fait plus les onze ou douze kilomètres à bicyclette pour se rendre au travail A contracté infection (peut-être sur place), une boule près du coin de l’œil (gauche ?)/ a consulté/ antibiotiques — traitement qu’il a abandonné — et crème aux corticoïdes A cessé de recourir aux « patchs » Consulte un psychiatre spécialiste des addictions, aide pour diminuer l’alcool (aime trop le vin pour s’arrêter)
[Anne] cessera le [travail], me dit-il à ma demande, en fin d’année ou début d’année prochaine. L’immeuble est vendu, mais on attend les plans d’1 architecte
Emma va bien. A repris son [emploi]. Petit ira à la crèche. Toutes choses q je savais déjà.
Pascal n’a pas rappelé.
Il est environ 22h30 qd [Patrice] repart. Se dit fatigué des libations de la veille. Je le suis, p ce qui me concerne, de m’ê couché tard.
Je lis à peine 3 ou 4. p. avt d’abandonner le livre.