806 - Sotiš in London (12)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Sotiš in London

 

(sur un air de chapelloise,

de polka slovène

ou d’English gay gordons)

 

Paris - Londres - Paris

 

(journal extime 19 juillet – 4 août 2017)

 

 

XII

 

— Cette sotiš pour Tomaž, en effet, qui a su,

sans en rien savoir, me rendre incomparablement idiot.

 

30 juillet

Matin

Au vu des hordes de touristes massées à l’entrée du British Museum, je renonce à le visiter, présumant que la foule est celle d’un dimanche aux heures d’ouverture.

Je vais à pied dans le quartier, non sans quelque errance.

Le plus haut building naguère du Royaume-Uni (jusqu’en 1981, m’apprend mon guide, ainsi que son altitude : 191 m), la BT Tower, est encerclée d’immeubles en voie de destruction — avant que bientôt son tour n’arrive sans doute.

 

806 - Sotiš in London (12)
806 - Sotiš in London (12)
806 - Sotiš in London (12)
806 - Sotiš in London (12)
806 - Sotiš in London (12)

Je prends ensuite un bus jusque Oxford Circus. Je m’étonne de tous ces gens massés devant les grands magasins d’Oxford Street qui attendent leur ouverture, même si je sais que les achats londoniens y sont prisés.

 

Après-midi

De voir qu’à Manchester Square le jardin qui occupe le centre de la place est privé, si je m'en amuse, me heurte un peu…

 

806 - Sotiš in London (12)
806 - Sotiš in London (12)

Je vais voir the Wallace Collection dans Apsley House, la dernière demeure du triomphateur de Napoléon, Wellington.

Dans la grande galerie, où chemins de table et couverts sont dressés sur une immense table, s’affichent deux portraits de Van Dyck.

 

Van Dyck, The Shepherd Paris (c. 1628), Oil on canvas, 96 x 84 cm ; Philippe Le Roy, Seigneur de Ravel (1630), Oil on canvas, 213,3 x 114,5 cm
Van Dyck, The Shepherd Paris (c. 1628), Oil on canvas, 96 x 84 cm ; Philippe Le Roy, Seigneur de Ravel (1630), Oil on canvas, 213,3 x 114,5 cm

Van Dyck, The Shepherd Paris (c. 1628), Oil on canvas, 96 x 84 cm ; Philippe Le Roy, Seigneur de Ravel (1630), Oil on canvas, 213,3 x 114,5 cm

Je remarque, également, un Vélasquez dont on précise : « The picture surface is now worn ».

Quant aux autres toiles devant lesquelles j’ai stationné, je ne les ai pas toutes retrouvées — à mon grand dam.

J’ai néanmoins noté sur mon calepin (sauf erreur de compréhension a posteriori) :

Jusepe de Ribera, St Jean-Baptiste

On the Skeleton of a Monster (du même Ribera, j’imagine)

Santiago (St James the Great) (dont j’ignore l’auteur).

Je n’ai pas non plus retrouvé la toile de Murillo (Portrait of a unknown Man) devant laquelle un vieux monsieur, qui circulait avec une femme aussi décatie que lui, a lâché haut et fort (sans doute parce que un peu sourd) ce commentaire en français : « Pas rigolo le Murillo ! Je le mettrais pas dans ma chambre ! » — ce à quoi personne évidemment ne l’invitait…

En revanche, je retrouve ce Ribera :

 

Jusepe de Ribera Procession to a Witches’ Sabbath, oil on copper, 34,3 x 65,5 cm

Jusepe de Ribera Procession to a Witches’ Sabbath, oil on copper, 34,3 x 65,5 cm

une des Danaé de Titien assez proche de l’Olympia du fait du lit, de son drapé, de la vieille servante et du groupe que forment les deux femmes (c'est évidemment une autre pluie d'or qu'attend la prostituée...)

806 - Sotiš in London (12)

— et, bouleversant, ce Velazquez…

Diego Velazquez, Two Young men, eating at a humble table

Diego Velazquez, Two Young men, eating at a humble table

Tout n’est pas de cette eau, même si, après tout, la peinture d’Ary Scheffer, décriée pour sa grandiloquence, indéniable, n’est pas sans effet saisissant…

 

Ary Scheffer, Francesca da Rimini (from Dante’s Inferno)
Ary Scheffer, Francesca da Rimini (from Dante’s Inferno)

Ary Scheffer, Francesca da Rimini (from Dante’s Inferno)

Deux pièces sont d’ailleurs consacrées à Greuze : pour quelle(s) raison(s) sa peinture ne touche-t-elle plus, alors qu’elle émouvait tant Diderot ? Je n’aime guère davantage la peinture de Boucher — ni non plus celle du XVIIIe siècle en général, du moins français. Et je m’aperçois, en parcourant ces salles, que la peinture de Watteau, moins originale qu’on pourrait le proclamer, est finalement très proche de celle de N. Lancret ou de J.-B. Patter.

Dans un couloir est accroché un autoportrait de Rembrandt, qui n’est pas le plus intéressant de la série qu’il a peinte.

 

 

806 - Sotiš in London (12)

La bibliothèque de l’endroit contient, elle, l’Encyclopédie, ainsi que son aînée, l’Encyclopedia Brittanica.

Au pied d’un escalier, s’exhibe fièrement la statue de Napoléon Ier par Canova, représenté nu, refusée par l’empereur même parce que « trop athlétique » — ce qui laisse lire en creux une irritation autre, peut-être d’être bedonnant et non pas avoir ou plus cette belle anatomie flatteuse, de n’avoir pas été représenté d’après nature, ne serait-ce d’ailleurs que parce que le « petit Caporal » atteint ici ses 3 mètres 25 de marbre !

 

 

© Internet

© Internet

Précisément — et naturellement — beaucoup d’objets, de peintures, de documents sont consacrés à Wellington et Napoléon…

Je revois avec plaisir le Vendeur d’eau de Séville, dont j’achète une carte postale, et découvre ce portrait d’un gentleman espagnol :

 

Diego Velazquez, A Spanish Gentleman © Internet
Diego Velazquez, A Spanish Gentleman © Internet

Diego Velazquez, A Spanish Gentleman © Internet

Diego Velazquez, The Water seller of Seville

Diego Velazquez, The Water seller of Seville

*  *  *

 

Sortant de l’endroit, je fais une confusion. Je veux visiter la National Portrait Gallery, que je crois contiguë à la Tate Britain, et dois constater qu’il n’en est rien. Je me rends alors à pied jusque Trafalgar Square pour m’apercevoir que c’est, en fait la National Gallery que jouxte la National Portrait Gallery (élémentaire, isn’t it ?).

Rentrant en métro, j’opère un crochet par le Freemasons Hall, « seul bâtiment Art déco londonien […] entièrement préservé depuis sa construction », ai-je lu, que je trouve néanmoins plutôt lourd et laid.

 

 

806 - Sotiš in London (12)

J’ai mal encore aux pieds, même si la douleur est moindre que les jours précédents.

 

Je bois un verre de vin blanc dans un pub proche, puis décide de rentrer.

 

 

Fin d’après-midi

Je m’étonne de cette foule qui va à pied et envahit la rue dans le quartier où je loge.

 

806 - Sotiš in London (12)
806 - Sotiš in London (12)

Je demande à Tomaž : Who are those people ? (je commets une faute de débutant évidemment !) What are they doing ? (mais mon calque est probablement aussi une réminiscence autant qu’une traduction d’un texte de Léo Ferré : Que font-ils ? Qui sont-ils ? Ces gens qu'on tient en laisse Dans les ports au shopping Au bordel à la messe ?).

Tom m’explique que cette petite marée humaine se rend à un match de football (ce qui confirme mon impression première !).

— Un match entre l’Espagne et l’Italie, ajoute-t-il, something like that. (Le football n’a pas l’air de le passionner.)

Je lui dis que ce doit être pour cela que, dans les magasins environnants, on ne peut acheter de l’alcool.

Cela l’intéresse beaucoup.

 

Il est exaspéré : les deux jeunes filles — très jeunes, en vérité — qui viennent d’arriver, censées être là dès 15 heures, avaient trois heures de retard. Songeant à mon propre retard, je tente de les excuser.

Il a ses lunettes. (Peut-être est-il myope, ce qui expliquerait ce regard un peu inexpressif qu’il porte parfois sur moi.)

Il est en tenue sportive. (J’ai regretté la disparition, ce matin, de la tenue sportive, tee-shirt et shorter (sous le short !), qu’il avait oubliée la veille dans la salle de bains. J’ai vérifié (fétichistement, stupidement) : taille S (j’ai déploré que depuis une dizaine d’années au moins ce ne fût plus mon cas !) — honni soit qui mal y pense (de cet examen fétichiste, stupide — mais chaste) !

 

Brusquement éclairé, j’additionne ce que je vois et ce qu’il me dit :

— You’re leaving ?

— I need some air !

(Je n’ai de toute façon pas le pouvoir de le retenir).

 

 

Après qu’il est parti, les deux jeunes filles font une incursion dans la cuisine (où j’écris). Elles s’ouvrent une boîte de conserve (qui me paraît être une boîte de sardines à la tomate, mais je dois sûrement me tromper), qu’elles emportent dans la chambre.

J’imagine qu’elles doivent être sur Skype, à entendre les simagrées, les rires étouffés qui filtrent à travers la porte.

 

Par la fenêtre, j’aperçois un stand A.F.C. Sevilla — m’abîmant un court instant dans un souvenir andalou...

(Et je demande aussi : que signifient tous ces tee-shirts Fly Emirates ? — ce qui, j’imagine, ne doit pas concerner une compagnie aérienne mais plutôt attester mon abyssale inculture “footballistique” — comme on dit aujourd’hui !)

 

 

Soir

Je reste dans le quartier où je réside, me rendant dans un pub non loin.

Je m’amuse que les cartes éditées sont identiques à celles de l’endroit où j’ai bu un verre durant l’après-midi, détaillant dans un même ordre les mêmes boissons, alors même que les tarifs en sont moins élevés (presque une livre pour le verre que je bois).

Des photos de Gene Kelly et de Fred Astaire sont accrochées en hauteur. A terre, des machines à sou. L’endroit est vaste, presque aussi haut que large, animé et bruyant : il s’emplit en continu d’une rumeur confuse qu’interrompent des jaillissement de cris, peuplé qu'il est d’une clientèle mêlée : tous âges, toutes couleurs de peau, non point tous sexes, les hommes — sans que cela soit choquant — s’y trouvant tout de même en majorité...

 

Tout semble indiquer que les lieux sont un ancien cinéma.

 

 

 

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