1049 - Carnets d'un confiné (3)

Publié le par 1rΩm1

 

 

 

CARNETS d’un CONFINÉ

 

 

3

 

[Journal pas toujours extime]

 

 

(14 mars, […] 11 MAI 2020 … …)

 

 

 

Mardi 17 mars

 

Matin

 

Je reçois un message de Valérie :

 

Bonjour Romain,

Denis a récupéré hier 80 yaourts dans les frigos d[e son] lycée... Pouvons-nous t'en déposer une dizaine ce matin avant de ne plus pouvoir se rencontrer ?

Bises,

Valérie

 

 

— puis de Marthe, à qui j’avais écrit la veille :

 

Bonsoir Marthe, bonsoir Paul,

Bon. Les mesures de confinement sont donc drastiques. La Pépinière sera interdite à nos embrassades :(

Donnons-nous des nouvelles !

Amitiés,

Romain

PS - Remonte quand même le moral de tes chaussettes, Paul !

 

et qui me répond :

 

Les chaussettes de Pascal sont effondrées… On se donnera des nouvelles… Dieu merci on a un CHIEN !

 

Je souris, mais il me semble que ce pourrait être une naïveté. (J’entendrai néanmoins le détail des mesures décidées par le ministère de l’intérieur selon lequel les chiens pourront être promenés par leurs maîtres dans le périmètre de leur domicile… Soit, mais jusque quand ? Et ce privilège n’excitera-t-il pas jalousie et convoitises ? Je m’amuse ensuite de ce qu’écrit Eric Chevillard dans son « journal d’un confinement » : )

 

Tentatives pour confectionner des chandelles avec de la couenne de taupe et du suif de teckel (Rebecca, le chien de la voisine, n’avait rien à faire sur ma terrasse) : échecs. On n’y voit rien quand j’y boute le feu, que l’épaisse et méphitique fumée qui s’élève de cet amalgame. Comment dans ces conditions continuer à écrire ?

 

Les bourses « dévissent ». — Quand se décidera-t-on à fermer les bourses, qui empoisonnent la vie des grands (ou petits ?) hominidés que nous sommes depuis le XVIIe siècle ?

J’annule mes réservations d’appartement à Madrid et Tolède pour les prochaines vacances.

 

Message de T. Il a une forte fièvre.

 

Valérie a livré une quinzaine de yaourts sur mon palier. Je n’en mangerai jamais autant !

 

J’entame une promenade. La porte latérale du cimetière, ouverte la veille, est fermée.

La Villa Majorelle est totalement  bouclée (mais on est mardi). Je la photographie en pensant à Aymeric, puisque nous l’avions visitée la seule fois où il était venu à ****. Elle venait à peine de rouvrir après réhabilitation des espaces intérieurs et ameublement de certaines pièces.

 

1049 - Carnets d'un confiné (3)
1049 - Carnets d'un confiné (3)

 

Je rencontre Yvonne, M., ainsi qu’Isabelle, une collègue.

Ce sont là des conversations agréables sur des bouts de trottoir. La collègue, apprenant que je serai confiné seul, m’invite à venir, si le besoin s’en faisait sentir, chez elle !

M. a eu toutes sortes de désagréments, s’est découvert une polyarthrite chronique déformante. Le père de J.-L. est décédé ; lui, est confiné en Moselle auprès de sa mère, qui souffre de la maladie d’Alzheimer.

M. est plus ou moins souffrante et elle porte un masque, qu’elle abaisse finalement, sans doute pour se donner une contenance plus humaine. Elle n’est pas seule chez elle, elle a fait venir de Strasbourg sa petite-fille, son année d’étude étant de toute façon interrompue, et s’est constitué toutes sortes de stocks dès qu’elle a entendu parler d’un possible confinement.

 

L'on croise beaucoup de monde dans les rues. Les gens se massent aux portes des magasins et des pharmacies, chacun à un mètre de l’autre.

 

Je trouve, en rentrant, un message d’Aymeric, à qui j’avais écrit la veille :

 

Bonsoir Aymeric,
Ce n’est pas que nous soyons pour la « socialisation à distance » mais nous avons l’habitude de la distance géographique, et, hors Paris quand j’y passe (je vais devoir renoncer à l’Espagne aux prochaines vacances !), nous savons notre « présentiel » (mot de la novlangue qu’il nous faut apprendre à mesure) rare… Par conséquent, dans ces circonstances de « distanciel » (et de confinement sine die), peut-être pourrait-on prévoir quelque téléphonage dans les jours à venir (pas nécessairement demain) ? Qu’en dis-tu ?
J’espère que tu vas bien — et t’adresse mes amitiés.

Romain

 

 

Bonjour Romain,


Après une matinée occupée à tout mettre en ordre pour le « confinement » qui débute dans quelques minutes (plein de la voiture au cas où je devrais partir pour la Bretagne, marché pour ne pas mourir de faim (ce serait idiot !) et impression d’une vingtaine d’attestations de déplacement provisoire (nouveau sésame pour sortir de chez soi, mais c’est un peu comme si on laissait aux écoliers le soin de remplir eux-mêmes leur billet d’absence !), me voilà donc retenu chez moi : ne pouvant pas pratiquer le télétravail, et ma présence n’étant pas requise pour la continuité du service public, je suis donc bénéficiaire d’une « autorisation exceptionnelle d’absence » sine die (sans en connaître vraiment les contours, notamment en termes de maintien de rémunération), et je suis donc tout ouïe pour un téléphonage et m’en réjouis d’avance !
A ta convenance pour les modalités, mais prévoyons peut-être un horaire car je dois appeler ma mère à des horaires très précis.
 
Peut-être un prochain soir vers 21h ? Ou en journée si tu préfères….
Amitiés,


Aymeric

 

Je lui réponds avec un cliché de la Villa Majorelle,

 

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en proposant (donc) de se téléphoner jeudi.

 

Mon père m’appelle pour se faire livrer plus tard des denrées lourdes à porter.

 

 

Après-midi

 

J’éprouve beaucoup de mal à travailler, plus encore que la veille.

 

Appel téléphonique à T. Celui-ci, très inhabituel entre nous, dure presque trente minutes.

 

 

Je fais une adresse comique aux plantes : « Vous allez devoir rester confinées, vous aussi… Vous allez être confinées avec moi… Vous allez devoir me supporter ! »

 

 

 

 

 

 

 

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