1001 - Première [?] lettre à J.-M., septembre 1981

Publié le par 1rΩm1

 

[in  memoriam  J.-M.]

     

Curieux courrier que cette première ([?]) lettre écrite à J.-M. — c’est la plus ancienne en tout cas que jusqu’ici j’aie pu extraire, de façon tout aléatoire, des liasses d’enveloppes léguées par Patrice après le décès de son frère —, courrier dont je ne saisis plus guère les allusions — sinon que, entre Pascal et J.-M., qui ne se connaissaient que depuis peu, il devait y avoir alors quelque raison de discorde.

J’en trouve, à la retranscrire, pénibles les détours… Mais il entrait dans cette conduite prolixe la volonté de dire au plus près, je le suppose, l’exacte affection que je portais à J.-M., dans une sorte d’amitié amoureuse, après quelque temps où je suis resté dans la réserve à son endroit, sa générosité et son intérêt à mon égard ayant à la longue vaincu quelques-unes de mes préventions.

Cette sorte d’amitié amoureuse me paraît également étrange aujourd’hui, comme une erreur de jeunesse ou d’aiguillage dans la trajectoire qui serait la nôtre — et bien mieux partagée, cette trajectoire, que toute relation amoureuse ! Je connaissais, il est vrai, la chanson d'Henri Tachan, mais avais voulu abolir cette « différence », ainsi que je l’ai raconté, un soir, le soir même (ce qui devait tout régler) où J.-M. entendait me parler d’une rencontre qu’il venait de faire — avec Pascal, puisque c’est en lui, par lui et avec lui, que tout désormais se boucle…

 

1001 - Première [?] lettre à J.-M., septembre 1981

 

C***-V***, 18 sept[embre] 1981

 

J.-M.,

 

Ce soir, à la campagne. Je le savais pour l’avoir anticipé, le contentement de me trouver ici abolit la contrariété d’avoir essuyé passivement, cloué que j’étais à **** ces dernières semaines, certains événements, lourds à porter : j’allais écrire que mon plaisir (qui est un plaisir de la fuite) était total ; mais j’aimerais ajouter qu’il le serait si je n’avais pas, ce soir, à t’écrire pour inventer une sorte de conversation fictive et devoir, par le seul recours de la pensée, ré-créer une image qui n’est pas exactement toi. En clair : plutôt que de t’écrire, j’aimerais ta présence — ce qui m’ôterait la crainte de mal converser, par-delà la distance. Je crois cependant, à la lumière de certains de tes propos (de nos propos, car cette lettre en est récapitulative), que tu ne te méprendras sur rien ici qui tendrait à devenir maladroit. Puisque écrire “sacralise*” la parole (au moins pour moi, comme il me semble te l’avoir déjà dit), je puis écrire que je te suis “reconnaissant” d’avoir, plus ou moins indirectement, manifesté une compréhension implicite de certaines parties de moi auxquelles je tiens, lors de nos plus récentes conversations. Ici se pose un nouveau problème, car je ne suis pas certain de manifester — en bonne réciproque — la même écoute à ton égard. Écrivant ceci, il m’apparaît cependant que ce « problème » serait à dépasser si, comprenant à sa lumière l’impossibilité — voire la futilité — de vouloir converser dans une “correspondance“ (le mot, tu le vois, respecte (ou invente) un mythe à (de) l’écriture), je voulais non plus te parler mais t’écrire véritablement une lettre. J’avais dit que je le ferais si j’en avais le temps, j’aurais dû dire : si j’en avais l’envie — j’en ai l’envie — et je le fais : ce soir à la campagne je t’écris, et j’y trouve plus qu’une envie, j’en éprouve beaucoup de plaisir.

*Tous guillemets ici expriment une mise à distance du mot, employé faute de mieux.

 

Ce long préambule s’essaie à masquer un fait qu’il m’est difficile de formuler : il est à double tranchant, et j’aimerais que tu ne te méprenne pas à son sujet. À la vérité, j’étais quelque peu “ennuyé” de devoir m’enfuir lundi parce qu’il me semblait que je n’étais pas le destinataire de ce dont tu m’as parlé — et je crois, par ailleurs, avoir souffert d’être dans l’impuissance de t’aider. Je l’écris (non pour te poser problème mais pour tenter d’être le plus possible honnête) : ton malheur de ce moment m’a violemment atteint, et je suis parti de **** avec l’écho de ton malaise, suspendu — malaise auquel cependant je ne pouvais rien. Mais — et ceci pour faire disparaître toute équivoque qui risquerait de, bêtement, t’atteindre en retour — il ne reste de ce sentiment-là que l’envie de me dégager de cette facilité d’absorption que j’ai eue, que j’estime négative, et qui ne saurait être une réponse à ce qui t’affectait à ce moment-là. Je suppose que tu seras d’accord avec moi pour dire qu’il ne sert à rien de se laisser déborder par le mal-être d’autrui.

 

Je m’aperçois à ce point de ma lettre combien risquent d’en être complexe les termes. Car il y a bien d’autres choses encore que j’aimerais t’écrire. Je m’embarque donc dès à présent dans une lettre-fleuve, ignorante d’elle-même, dont il s’agit à tout prix de peser les termes, ce qui ne me semble pas simple après tout.

 

J’en reviens à la soirée de lundi. Il est toujours angoissant, je crois, de prévoir à l’avance une situation désagréable dans laquelle un tiers risque d’être plongé, de n’y pouvoir rien faire et, de surcroît, assister à l’éploiement de ladite situation. Au fil du mois d’août, ne mêlant de ce qui décidément ne me regardait pas, j’avais ponctué de doutes certains de tes discours, tel un trouble-fête involontaire. J’avais renoncé très vite à te faire part de mes “craintes”, ce qui aurait été inutile de toutes manières, sot d’autre part, et aurait pu m’exposer à ta mauvaise humeur à mon endroit — qui n’eût été que légitime. C’est pour cela, et parce que nos relations ne me laisse pas indifférent (ceci n’est pas un euphémisme, non, mais une généralité qui me définit) que, sans doute, ton mal m’a si bêtement atteint.

Il y a, dans toutes relations, des moments de crise : il est probable que ce que tu vivais la soirée de lundi n’est qu’un de ces moments-là. J’en veux pour preuve ton analyse qui, si elle s’appuyait sur des réalités justement pressenties, n’en demeurait pas moins injuste à l’égard de votre relation à tous deux, Pascal et toi. Je te l’ai dit, je crois — comme je t’ai dit que le lendemain tout paraîtrait moins grave et qu’il y aurait de bonnes raisons à trouver pour fonder l’existence de la relation (et à dépasser la crise par là même). Ce n’est pas une analyse de la “crise” que je fais ici — car elle serait idiote et complaisante, et n’expliquerait rien de plus — mais bien plutôt un rappel de certains mécanismes affectifs auxquels ma lettre encourt de se heurter, et, cela étant, de se faire rejeter. C’est l’image de cette crise qui est le dernier souvenir qu’elle porte de toi, et il risque d’apparaître un décalage entre ce souvenir et le moment où tu la liras. C’est une difficulté supplémentaire à l’écrire, cette lettre, si tu veux.

 

Tu as eu tort de croire que, sortant du [cinéma], ce qui m’a affecté c’était votre « abandon », que tu as qualifié de « dégueulasse ». Je ne dis pas ne pas en avoir été affecté, mais bien moins en tout cas que par ma rencontre avec Patrick — avec Patrick et sa copine devrais-je dire — pour des raisons qu’il est inutile de développer puisque je sais que tu les comprendras. Et pourquoi te sacrifier à un rite du « pot », si tu avais l’envie de rester auprès de Pascal ? — ce qui n’aurait été nullement “dégueulasse” à mes yeux, évidemment. Tes scrupules à mon égard m’ont dérangé, parce que finalement, ils faisaient naître une contrainte ; et j’aurais aimé — banalement et naïvement, oh ! si naïvement — qu’il n’y ait entre nous aucune contrainte de cette sorte.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter à tout cela. Sinon que, peut-être, — mais c’est idiot — je ne crois pas que votre relation à Pascal et toi soit aussi noire qu’elle t’apparaissait alors : je ne crois rien, et je crois même le contraire — ce qui est, décidément, totalement idiot, une fois écrit ! Simplement, il me semble qu’il serait nécessaire de s’en aérer — au moins en esprit — pour que l’oppression ne se fasse pas trop lourde à certains moments. C’est simplement un autre regard à porter sur elle, non pas désinvesti ou moins investi, mais un regard différent plutôt, qui sache prendre en compte les problèmes nouvellement posés. Enfin… ça n’est jamais qu’une version de ma part… facile… mais « si j’en prends trop à mon aise je n’ai pas à m’en excuser »… et j’espère que toi, tu pardonneras… si tu trouve cela déplacé.

 

J.-M., je commence à trouver stupide le contenu de cette lettre, et je le regrette parce que ce n’est assurément pas ce que je souhaitais. J’aimerais cependant qu’elle t’apporte le peu d’ “affection” que j’aurais aimé te donner lundi — « affection » que je t’aurais donnée si je n’avais craint qu’elle ne fût déplacée — que tu ne l’aies pas souhaitée, somme toute, à ce moment-là si je n’avais crains aussi qu’elle ne déborde sur une envie sexuelle gênante, non pas parce que Pascal était présent à ce moment-là, mais plutôt parce que l’aurait pu t’être “encombrante”… Mon impuissance était, donc, toute relative pour moi, mais elle était — alors que ma disponibilité, elle, était grande…

Voilà, j’espère avoir été totalement sincère à tous les propos ; mais je ne puis évidemment rien assurer…

 

Ici, à la campagne, pour ce qui me concerne, je fais donc un séjour d’oubli — non pas total mais partiel — et je recouvre quelque santé morale : les premiers symptômes en sont évidents puisque j’y ai retrouvé un sommeil plombé et un appétit farouche. “La vie saine” a du rustique, du campagnard en elle. Et surtout, je sais ici ne rien faire, paresser, laisser s’écouler le temps, choses qui me sont impossibles à **** où s’allouer le temps d’une cigarette ressemble à un long moment pesant d’inactivité. Nous n’avons strictement rien fait que préparer à bouffer, dormir, écrire ou lire et, surtout, ne rien faire. Seule balade : rallier L***** sous la pluie, et s’engouffrer dans un café en attendant que cesse l’averse — et s’en revenir (que faire à L**** de toute façon ? — y aller n’était que jamais que le but d’une promenade, qui nous a dégourdi les jambes, à travers bois).

J’achèverai ce séjour par une ou deux journées que je passerai en compagnie de ma grand-mère, séjour que je redoute un peu pour ce qu’il risque d’éveiller en moi de mort, de perte, et de cimetière. Je serai de retour dès mardi, et tu peux dire à Michel que je prendrai normalement ma permanence du mercredi au [cinéma] (!) J’espère par la suite repartir encore, avant la rentrée universitaire, dans le plaisir de la fuite et du délié… Ce séjour a dorénavant déjà l’envie de se prolonger dans d’autres, ailleurs, pendant qu’il est encore temps…

 

J.-M., j’ai dû guerroyer ici avec les mots, avec ce qu’ils ont de confusément flou en eux parce que je souhaiterais user de termes précis mais suffisamment souples pour rendre perceptible ce que ma pensée avait, elle aussi, de confusément flou… et, guerroyant ainsi avec le langage, avec la pensée, oui, j’ai dû me fatiguer un peu car je ressens une grande lassitude… Je songe à Nietzsche écrivant : « Il faut porter en soi un chaos pour mettre au monde une étoile dansante »… et je constate qu’il n’est rien ici d’accouché d’autre que quelque chant é-gorgé… qui se vide, dès que sur le papier, de sa substance. Cette lettre, je la porte sur mon dos en même temps qu’une lassitude soudaine, et je m’ “escargolente” à les porter toutes deux…

 

Le film de Cavani m’a redonné l’envie de lire du Nietzsche précisément, et il m’a semblé “d’actualité” de t’en recopier quelques passages : je suis sûr qu’il y aura quelque chose qui te concerne, quelque part, ou viendra confirmer, renforcer, préciser ou nuancer, les termes de ma lettre. Cela ne fait qu’allonger encore la lecture… et j’espère que tu ne te seras endormi nulle part, sur le matelas de ces feuilles… sinon — eh bien — j’aurai été (bien involontairement) coupable d’avoir bercé mon lecteur jusqu’à l’ennui soporifique, ce qui, je le jure, n’était pas mon but premier !…

 

Dominique Sanda, Robert Powell et Erland Josephson, lors du tournage du film de Liliana Cavani, Au delà du bien et du mal, 1977, Tirage n&b d'époque. 18 x 23.9 cm

Dominique Sanda, Robert Powell et Erland Josephson, lors du tournage du film de Liliana Cavani, Au delà du bien et du mal, 1977, Tirage n&b d'époque. 18 x 23.9 cm

Je vais cesser ici parce qu’il serait vain de poursuivre. Quelque part, ces lignes témoignent d’une intention à laquelle je tenais beaucoup : t’écrire — et je cède désormais au silence.

J’en profite encore cependant  pour te demander de transmettre mes amitiés à Pascal.

Sans autre formule, j’espère bientôt te voir.

 

Romain

 

P.-S. : Raymonde, qui t’a trouvé sympathique les quelques fois où elle t’a vu (c’est du moins ce qu’elle m’a dit), m'a chargé de te donner son bonjour.

 

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Friedrich NIETZSCHE, Par-delà bien et mal [texte établi par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, traduit de l’allemand par Cornélius Heim], Gallimard, “Idées”, 1971, 1979 :

 

 Lou Andreas-Salomé, Paul Rée et Friedrich Nietzsche en 1882.

Lou Andreas-Salomé, Paul Rée et Friedrich Nietzsche en 1882.

« Quelque valeur qu’il convienne d’attribuer à la vérité, à la véracité et au désintéressement, il se pourrait qu’on dût attacher à l’apparence, à la volonté de tromper, à l’égoïsme et aux appétits une valeur plus haute et plus fondamentale pour toute vie. […] Car renoncer aux jugements faux serait renoncer à la vie même, équivaudrait à nier la vie. Reconnaître dans la négation de la vérité la condition de la vie, voilà certes une dangereuse façon de s’opposer au sens des valeurs qui a généralement cours, et une philosophie qui prend ce risque se situe déjà, du même coup, par-delà bien et mal. » [“Des préjugés des philosophes”, pp. 15-17]

 

 

« Dès qu'on parle de l'homme sans aigreur et ingénument comme d'un ventre qui possède deux besoins et d'une tête qui en possède un seul ; dès qu'on ne voit, ne cherche et ne veut voir, partout que la faim, l'appétit sexuel et la vanité, considérés comme les seuls ressorts authentiques des actions humaines ; bref, dès qu'on parle « mal » de l'homme sans même en parler mécham­ment, le philosophe passionné de connaissance doit prêter l'oreille avec attention, il doit même se faire tout oreilles sitôt qu'il entend parler sans indignation. Car l'homme qui s'indigne, l'homme qui se déchire et s'écor­che lui-même à belles dents (à moins qu'il ne s'acharne sur le monde, Dieu ou la société) est peut-être morale­ment supérieur au satyre rieur et satisfait ; dans tous les autres sens il constitue un cas plus ordinaire, moins intéressant et moins instructif. Et nul ne ment autant qu'un homme indigné. » (“L’esprit libre”, pp. 44-45)

 

« C'est par pur préjugé moral que nous accordons plus de valeur à la vérité qu'à l'apparence ; c'est même l'hypothèse la plus mal fondée qui soit. Reconnaissons-le : nulle vie ne peut subsister qu'à la faveur d'estimations et d'apparences inhérentes à sa perspective ; et si l'on voulait, avec un certain nombre de philosophes, à grand renfort d'exaltation vertueuse et de niaiserie, supprimer complètement le “monde apparent“ ; si vous étiez capables d'une telle opération, il ne resterait rien non plus de votre “vérité”. Car enfin, qu’est-ce qui nous force à admettre qu'il existe une antinomie radicale entre le “vrai” et le “faux” ? […] Pourquoi le monde qui nous concerne ne serait-il pas une fiction ? Et si l'on objecte qu'à toute fiction il faut un auteur, ne doit-on pas carrément répondre : pourquoi ? Cet “il faut ” n'appartient-il pas lui aussi à la fiction, peut-être ? Est-il donc interdit d'user de quelque ironie à l'égard du sujet, de l'attribut et de l'objet ? Le philosophe n'aurait-il pas le droit de s'élever au-dessus de la foi qui régit ma  grammaire ? Tous nos respects aux gou­vernantes ; mais ne serait-il pas temps pour la philoso­phie d'abjurer la foi des gouvernantes ? ­— » (“L’esprit libre”, pp. 53-54)

 

« L’amour d’un seul être est une chose barbare, car il s’exerce au détriment de tous les autres. L’amour de Dieu aussi. » (“Maximes et interludes”, p. 86)

 

« Quand on a du caractères, on a aussi dans la vie une expérience typique, qui revient toujours. » (“Maximes et interludes”, p. 86)

 

« Dans un être humain, le degré et la nature de la sexualité se répercutent jusque dans les plus hautes régions de l’esprit. » (“Maximes et interludes”, p. 87)

 

« Quand on a bien dressé sa conscience, elle nous baise en même temps qu’elle nous mord. » (“Maximes et interludes”, p. 91)

 

« Une fois la décision prise, il faut fermer l’oreille aux meilleures objections : c’est là le signe d’un caractère ferme. Donc, à l’occasion, il faut opter pour la sottise. » (“Maximes et interludes”, p. 93)

 

« Il n’existe pas de phénomènes moraux, mais seulement une interprétation morale des phénomènes — — » (“Maximes et interludes”, p. 93)

 

« Bien souvent le criminel n’est pas à la hauteur de son acte : il le diminue et le dénigre. » (“Maximes et interludes”, p. 93)

 

« Les grandes époques de notre vie sont celles où nous trouvons enfin le courage d’appeler notre meilleur ce que nous appelions nos mauvais côtés. » (“Maximes et interludes”, p. 94)

 

« Le concubinage lui aussi a été corrompu : par le mariage. » [!!] (“Maximes et interludes”, p. 96)

 

« On n’est jamais si bien puni que pour ses vertus. » (“Maximes et interludes”, p. 97)

 

« Beaucoup parler de soi peut être un moyen de se cacher. » [Cette maxime-ci doit t’être destinée. As-tu connu Nietzsche dans une vie antérieure ou parallèle ?!] (“Maximes et interludes”, p.104)

 

« Il y a une exubérance de la bonté qui ressemble à de la méchanceté. » (“Maximes et interludes”, p. 106)

 

« […] [C]elui qui moralise ne fait en somme, comme le dit Balzac, que “montrer ses plaies” sans pudeur. » (“Nous, les savants”, p. 132)

 

« […] [L]e vrai philosophe […] mène une vie “non-philosophique” et “non-sage”, avant tout une vie imprudente ; il assume le fardeau et le devoir des cent tentatives, des cent tentatives de la vie : il se risque continuellement lui-même, il joue le jeu dangereux. » (“Nous, les savants”, p. 136)

 

« Le sceptique […], cette créature délicate, s’effraie vite ; sa conscience est dressée à frémir devant n’importe quel non, voire déjà devant un oui résolu et ferme. Il y sent comme une morsure ; le oui et le non offensent sa morale. En revanche, il aime à se complaire dans sa vertueuse et noble attention et déclarer avec Montaigne “que sçais-je ?” ou avec Socrate “je sais que je ne sais rien” […] “[…] l’incertitude aussi possède son charme, le Sphinx aussi est une Circé, Circé aussi fut une philosophe.” Ainsi se console le sceptique, et il est vrai qu'il en a besoin. Le scepticisme, en effet, est l’expression la plus intellectuelle d'une complexion physiologique très répandue que la langue courante nomme neurasthénie et débilité maladive […]. » (“Nous, les savants”, p. 141)

 

 

 

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