1364 - Dieppe, Dieppe, Dieppe… hourra ! (5)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Dieppe,  Dieppe,  Dieppe…

hourra !

Journal extime

(2-8 août 2021)

work in progress

5

 

Jeudi 5 août 2021

[Les trois villes.]

Matin, Le Tréport

J’avais évidemment très envie de voir Le Tréport.

Il est presque midi quand je prends cette première photographie des cabines aux jolis tons pastel et de la plage de galets de cette petite ville — la plus ouvrière des trois, me spécifiera M.-C., qui est déjà venue.

1364 - Dieppe,  Dieppe,  Dieppe…  hourra ! (5)
1364 - Dieppe,  Dieppe,  Dieppe…  hourra ! (5)

Je m’attends presque à ce que surgisse, juste un point d’abord qui se rapproche à bicyclette, pédalant à vive allure jusqu’à moi devenant un véritable protagoniste, pour terminer en plan rapproché dans le cadre droit de l’image, Alexis, le narrateur du film de François Ozon Eté 851, c’est-à-dire aussi que surgisse, nez retroussé au vent, Félix Lefebvre et c’est-à-dire plus encore que s’anime sous des traits laissés à ma seule et libre imagination le héros-narrateur de Dance on My Grave [en français : la Danse du coucou], d’Aidan Chambers, puisque le roman fait dorénavant partie de ma mythologie personnelle, à double ou triple titre ou fond ¡

C’est sur cette même plage de galets que prend fin, avec une extrême brutalité, l’idylle d’Alex, que ses pieds déchaussés entravent. Sa course, à pied cette fois, après le couple en formation que représentent David et Kate, le laisse littéralement derrière — après quoi il ne lui restera plus qu’à remâcher puis digérer sa disgrâce

1364 - Dieppe,  Dieppe,  Dieppe…  hourra ! (5)

basculement dont j’ai partagé en lisant pour la première fois le livre la toute cruauté.

 

C’est d’une autre petite ville balnéaire, de Bretagne et non de Normandie, durant l’été 1977 — peut-être pourrais-je en retrouver la date mais je n’ai nulle envie de plonger les mains dans le grand carton d’archives personnelles qui contient les restes naufragés de mon journal intime d’alors qu’en des circonstances assez similaires j’ai pris la fuite. Je fuyais alors, le plus loin possible, la “trahison” de J.-L., parti avec Martine quelques jours avant moi.

Je les avais rejoints l’un et l’autre en train à Q*****, en compagnie de C.W. Or, dans son courrier (une ou plusieurs lettres ? une simple carte cosignée de deux noms ?), J.-L. s’était bien gardé de s’ouvrir auprès de moi de la situation : cohabitant sous une même tente, une « canadienne » telle celle que nous transportions ce jour-là, C.W. et moi, le rapprochement avait été tel que, sans avoir déjà couché ensemble (mais cela, je ne le saurai que bien plus après), ces deux-là étaient désormais censés, selon l’expression alors en usage, “sortir ensemble”.

Dès lors, dans ce camping de la “forfaiture”, nous coucherions sous un même toit de canadienne, non plus les deux garçons, mais les deux couples de l’un et l’autre sexe — qui ne se mélangeaient pas encore, ou pas, l’histoire ne disant pas si C.W. aurait été désireuse de cela sous notre tente mixte ¡ Est-ce projection de ma part à quelque quarante-cinq années de distance — sinon d’éloignement, de fuite ou de déshérence ? : il paraît possible, sinon probable, que J.-L. ait insisté pour me flanquer de C.W. — que j’aimais bien, là n’est pas la question… —, en nourrissant des arrière-pensées mûries de fraîche ou de longue date, façon détournée, ou toute trouvée, de me donner son congé…

 

Dussé-je fuir à vélo, au bout de deux ou trois jours de cette situation, j’aurais, devenu Félix et Alex, fait rouler jusqu’à l’autre bout, non du monde, mais de l’hexagone mon pédalier — tant je me sentais “trahi”. Je suis parti « en stop », allant jusqu’au bout d’une nuit qui me laisserait rincé (de fait) de toutes mes illusions, passées et à venir.

En plein jour, un folle vieillissante — dont j’ai eu un peu pitié — a prolongé de Tours à Amboise (en arrondissant la bouche en cul de poule pour claironner le toponyme, au moment de me désigner le château) son trajet, et j’ai un peu étreint sa détresse de ne me pas posséder, chair fraîche de dix-sept ans ; mais, outre que je n’en avais aucun désir, aurais-je eu le cœur à cela, même dans un autre temps, même pour consoler la détresse d’une solitude ? Le reste de la nuit, j’ai été copieusement raillé, si ce n'est insulté par des chauffeurs ou leurs passagers, qui baissaient leur vitre pour m'adresser des quolibets, voire me crier des insanités à la figure. Je n’ai pu regagner ***** que le lendemain, après d’autres aléas dont j’ai tout oublié, à l'autre bout d'une diagonale Ouest-Est.

 

Une longue solitude commençait pour moi alors. Il n’y a que dans les romans que s’installe rapidement une résilience, que les Henry Spurling Robinson alias Alex[is] Robin « échappe[nt] à [leur] histoire » si vite, dansent figurément sur la tombe des Barry — ou David — Gorman en « off[rant] un souvenir de Southen » à un personnage croisé tout au début du récit, « le sensationnel Spike [Woods], plus succulent que jamais ».

Je me suis enfoncé, au contraire, dans ma nuit pour longtemps, et ce, sans comprendre la « leçon » du roman, portée — partiellement au moins — par Barry Gorman, comme quoi le change présidant à nos existences, le changement est de mise si l’on veut gagner sur la tristesse ou la routine et vouloir faire son deuil d’une relation — fût-elle lumineuse et première.

 

J.-L., à l’instar de Barry, commençait-il à s’ennuyer auprès de moi2 ? Je ne saurais dire.

Ou plutôt : la question, à mon sens, n’était pas exactement là. Car je continue à croire que J.-L. n’avait pas vocation à demeurer pédé. Voire : qu’il aspirait à embrasser la norme hétérosexuelle, qui serait dorénavant sienne ensuite ; et j’aurais de la tristesse à apprendre bien après, de l’aveu même de Martine, que ses rapports sexuels avec J.-L. l’avaient toujours laissée insatisfaite, son partenaire la bourrinant d’une manière incommensurablement différente de celle dont nous faisions l’amour… lui et moi…

(à suivre)

-=-=-=-=-=-

1Les filles de mon Imagination ont plaisamment joué les échangistes avec les filles de Mémoire, en l’occurrence !

Je référais bien sûr au générique qui suit l’ouverture même du film. Celui-ci débute par un panoramique qui part du bord de mer à hauteur des estivants, remonte jusqu’à l’esplanade en-dessous des falaises pour se cadrer ensuite sur le personnage qui approche, avant un plan de coupe où le protagoniste, pris en plan rapproché, s’adresse, à gauche (en fait), à mon interlocuteur, Chris [« le sensationnel Spike », dans le roma»].

Le surgissement est tout relatif, et le plan de coupe, moins resserré sur les deux personnages que je ne me le rappelais.

2Voir (en activant le lien) les pages choisies ci-après.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article