1431 - Et en attendant d’autres Espagnes… (8)
Et en attendant d’autres Espagnes…
(Paris - Madrid - Tolède - Madrid - Paris)
Journal extime
(10 mai - 22 mai 2022)
8
16 mai 2022
Matin
J’achète un billet de train à la gare en prévision de mon retour à Madrid le lendemain. Je me réjouis qu’il n’y ait pas, contrairement à la gare d'Atocha l'avant-veille, de file d’attente au guichet.
Cette fois, je me rends à pied jusqu’à l’hôpital de San Juan Bautista (lequel abrite le musée Tavera), que je trouve malheureusement fermé en dépit des indications d'heures et de jours données par l’office du tourisme. La déception est forte de ne pas pouvoir voir les tableaux du Gréco, de Ribera, du Tintoret, du Caravage, de Titien mentionnés dans le guide…
C’est avec difficulté que je trouve les escaliers mécaniques del Paseo de Recaredo grâce aux lesquels je m’épargne une montée sévère jusqu’au haut des remparts.
Parvenu là, je visite San Domingo de Silos “El Antiguo”, où je m’attarde à plaisir devant le grand retable du Greco, puis plus encore devant sa Résurrection du Christ.
Si le couvent en tant quel n’est pas accessible — seconde déception de la matinée —, sans qu'en soit indiquée la raison, d’autres œuvres se trouvent exposées.
Convento de Santo Domingo el Antiguo, Pinturas Hispano-flamencas, Siglo XV/ Paintings, Spanish-Flemish, 15th century
Convento de Santo Domingo el Antiguo, Sepulcro de Don Juan de Ajofrín, Siglo XIV/ Don Juan de Ajofrin's sepulchre, 14th century
Il est bientôt midi, et je retourne à la terrasse du bar-restaurante de la veille auprès du patron hâbleur, qui, oublieux à mesure des clients, ne me reconnaît pas. Les olives marinées offertes en accompagnement de la bière se marient très bien avec ma bière brune. Il fait bon à l’ombre, et je regrette un court instant d’avoir oublié de prendre une casquette dans mes bagages.
Après-midi
Et, fort de mon expérience de la veille, je m’attable dans le même restaurant maghrébin où je mange des falafels qui me contentent moins que la pastilla, les boulettes, bourratives, s’avérant quelque peu « étouffe-chrétien », si j’ose dire. Peu chrétien, en outre, — je le découvre avec retardement ¡ — le fait que bières et vins soient sans alcool…
Je me livre ensuite aux splendeurs — parfois excessives, il est vrai, du fait du baroquisme qui s’y déploie (jusqu’à l’hérésie), mais nombreuses — de la cathédrale Primada Santa Maria de Toledo. Cette cathédrale est d'ailleurs une véritable caverne d'Ali Baba qui recèle des trésors forts différents à mesure que l'on en pénètre les endroits. On s'y épuise à tout vouloir regarder, cependant que le casque loué — compris dans le prix de la visite, assez élevé — ne cesse de me glisser des oreilles, au point que c’en est incommodant. J’y renonce au bout d’un certain temps. Les œuvres parlent de toute façon par elles-mêmes sans qu’il soit besoin de manier à ce point les hyperboles…
Fresco dedicado a san Cristobal en la Catedral de Toledo (el Cristobalón), Obra de Gabriel de Ruedas (fresque repeinte en 1638))
Vue partielle de la peinture au plafond par Luca Giordano de la sacrisite, Cathédrale de Sainte-Marie, Tolède
Entre autres chefs d'œuvre de la sacristie, notamment l'Espolio du Gréco, un troisième Caravage s’offre à mes pas, et je songe que celui-là, qui rutile, se donne des airs un peu neufs…
Le Greco, Le Dépouillement du Christ [ou le Partage de la tunique du Christ], c. 1583-1584, 165 x 98,8 cm
Francisco de Goya y Lucientes (1746-1828), Prendimiento de Cristo [l'Arrestation de Jésus], 1798, Óleo sobre lienzo
Velazquez [attribué à] (1599- 1660), Cardenal Borja, Segunda mitad del siglo XVII, Óleo sobre lienzo
Virgen Blanca, Statue de la Vierge à l'Enfant (art roman français, fin du XIIe s.), Chœur de la Cathédrale de Tolède
Stalles du chœur de la cathédrale de Tledo avec des bas-reliefs dédiés aux batailles gagnées par les Rois Catholiques lors de la Reconquête
Ma journée s’achève par la visite du Musée de Santa Cruz.
A nouveau, Le Greco rythme la procession de mes pas, cérémonieux face à leur magnificence.
El Greco, La Inmaculada Concepción vista por San Juan Evangelista, Firmado en griego, en una cartela, sobre el ramo de rosas / The Immaculate Conception as Witnessed by Saint John the Evangelist, Signed in Greek on a card over the bouquet of roses, Ca. 1595, Óleo sobre lienzo/ Oil on canvas, Procedencia : antigua Parroquia de San Román, Toledo Depósito de la Parroquia de Santa Leocadia, Toledo/Origin : Former Parish Church of San Román, Toledo Storerooms of the Parish Church of Santa Leocadia
El Greco, Retablo de La Inmaculada Concepción [Firmado en griego en la zona inferior derecha, bajo el espejo/ signé en grec en bas à droite, sous le miroir], 1607-1613, Óleo sobre lienzo
El Greco, Saint James the Great as Pilgrim, c. 1580-95, Oil on canvas, 123 x 70 cm, Toledo, Museo de Sanra Cruz
Un Ribera m’attire l’œil, que je n’aurais donné pas immédiatement comme tel : il est vrai que son sujet ne réclame pas la leçon des Ténèbres des martyres (ou miracles) auxquels le peintre a pu habituer : tout à rebours, la toile éclate de ses carnations roses, assortis aux coloris éclatants des habits de la Vierge.
José de Ribera (Játiva, Valencia, 1591 - Naples, 1652), The Holy Family, 1639, Oil on canvas [Signed and dated ; repaints in the lower right-hand section : Jusepe. de ribera f. /.a.1639 ], Origin : Convent of Bernadine Nuns of San Ildefonso in Ocaña (Toledo)
Je parcours également une exposition d’œuvres de Jean de Bourgogne.
Juan de Borgaña y taller, Llanto sobre Cristo muerto (La Piedad), Oleo sobre tabla 1502-1509, Iglesia parroquial de Santa Marta de Illescas (Toledo)
Juan de Borgoña y taller, Desposorios de la Virgen , Oleo sobre tabla [Procedente del altar mayor de la iglesia del Convento de Santa Cruz, de dominicos, de la localidad de Carboneras de Guadazaón (Cuenca)], C .1500-1504, Museo Diocnuno de Arte Sacro de Cuenca
Juan de Borgoña y taller, El profeta Amós, C. 1500-1504, Óleo sobre tabla,Procedente del altar mayor de la iglesia del Convento de Santa Cruz, de dominicos, de la localidad de Carboneras de Guadazaón (Cuenca), Museo Diocesano de Arte Sacro de Cuenca
Et photographie… des photographies du Tolède nocturne,
qui donnent une idée assez juste de sa cathédrale, de son architecture, et, surtout, du plan de la ville telle que j’aie pu l’éprouver et que me l’ont renseignée la miniature militaire de l’Alcazar ainsi que la vue générale peinte par Domínikos Theotokópoulos, devenu en Espagne, en ayant adopté les lieux, Le Greco, par qui s'imposait de prendre congé. — Nonobstant, après cet après-midi bien rempli, le verre de vin blanc que je prends sur une terrasse, avant de me décider à rentrer.
Nuit
La chaleur retarde l'endormissement, empêche de bien dormir, ainsi qu'il en a été des nuits précédentes — la conversation entendue naguère dans le bus de Madrid se vérifiant : qu'en serait-il en plein cœur de l'été ?