887 - A l'anversoise (2)
A L’ANVERSOISE
(ANVERS, AVERS et ENDROITS)
[titre provisoire ?]
WORK in PROGRESS
Journal extime
(Bruxelles - Anvers - Bruges : 13 août - 25 août 2018)
2
14 août
Matin
Il fait un temps londonien.
Je l’avais négligé la fois précédente, et je visite le Musée Magritte, peintre dont je goûte davantage l’esprit, les accointances surréalistes que la peinture. J’ai néanmoins des souvenirs d’étudiant encore à peu près nets à propos d’un ouvrage d’Alain Robbe-Grillet, la belle Captive, écrit illustré par des tableaux de Magritte et dont nous avions étudié l’incipit (« Ça commence par une pierre qui tombe, dans le silence, verticalement, immobile. Elle tombe de très haut, aérolithe, bloc rocheux aux formes massives, compact, oblong, comme une sorte d’œuf géant à la surface cabossée. »), lui-même autotélique (me paraît-il a posteriori). Aussi ne dénié-je pas totalement une certaine profondeur à l’artiste, non plus, parfois, qu’un certain humour, dans une palette au spectre large, allant du bienveillant au grinçant — ce qu’atteste ce que je vois.
Je regretterai d'ailleurs de n’avoir pas voulu louer les services de l’audioguide, qui aurait pu m’expliciter certaines intentions du peintre, lesquelles m’échappent parfois, notamment les sortes de rébus titulaires, qui, du cartel à la toile, gardent alors leur énigme.
Beaucoup d’œuvres se trouvent sous vitre et certaines sont trop éclairées. Je prends quelques clichés, dont je rate certaines prises, la plupart illustrant quelque lien (explicite) du peintre avec le surréalisme (quoi qu’en eût pensé Michel Leiris, qui n’aimait pas beaucoup le peintre1, d’où, peut-être, mes préventions, depuis).
E. L. T. Mesens posant devant la Clairvoyance de René Magritte à la London Gallery, Londres, janvier 1937
L’Art de la conversation, 1950, collection privée, Suisse
Je pense à T. devant cette peinture ayant directement été inspirée par ou ayant servi à illustrer (je ne sais) le héros de Marcel Allain et Pierre Souvestre, Fantomas
Le Retour de flamme, 1943, collection privée
— et m’amuse de ce miroir ornant les toilettes pour hommes.
J’enchaîne avec le musée fin-de-siècle, dont — ce doit être ma troisième visite, la première ayant été faite avec R., il y a un certain nombre d'années —, si je me rappelais bien la plupart des toiles, je ne me souvenais pas qu’il fût si profus, photographiant beaucoup — et certainement des œuvres déjà prises naguère, mais avec un moindre succès.
Fernand Khnopff (1858-1921), les Caresses, Huile sur toile, 1896
Khnopff, d'après Flaubert la tentation de saint Antoine, Gouache, huile et fusain sur papier, Dimensions : 85 x 85 cm © Internet
Maquette du décor pour Salammbô, Ernest Reyer (Création mondiale à La Monnaie 10 février 1890) : le festin des mercenaires dans le jardin
Emile Gallé (1846-1904), Iris, Aiguière, verre multicouche, marqueteries de verre affleurantes et inclusées, gravé à la roue
E. Gallé, Orchidée, Vase, verre multicolore rehaussé d’une opale, marqueteries de verre et ciselure à la meule
E. Gallé, Sans titre, Coupe sur pied, verre multicouche travaillé à la meule à la façon d’un lapidaire ; Nymphéas, Vase, verre multicolore filigrané, marqueteries de verre et applications (1900)
Antonin Daum (1859-1926) et Louis Majorelle, Monnaie du pape, lampe à deux bras, laiton patiné, verre doublé, 1903
François Decorchemont (1880-1971) Scarabées, Vase, pâte de verre, décor en haut-relief polit [sic] à l’agate
Alban Chambon, Décoration et céramique venant du château royal d’Ardenne, Houyet
Louis Majorelle (1859-1926), Bureau de dame Nénuphar, Acajou mouluré sculpté, marqueteries et bronzes dorés, ca. 1903
Ce sont surtout les James Ensor que je tente d’emporter avec ma tablette, mes clichés de la fois précédente ayant été médiocres
James Ensor (1860-1949), la Raie, huile sur toile
les Masques singuliers, 1892
Carnaval sur la plage, huile sur toile, 1897
Décor pour le ballet “La Gamme d’amour”, Deuxième tableau : “La Place publique”, 1912, Huile sur toile, Collection privée
— tandis que ce dernier tableau est un avant-goût de Bruges.
Je réserve à l’après-midi la collection des Arts anciens pour déjeuner à l’appartement. Je n’apercevrai que très fugitivement Stanislas qui part alors que j’arrive. Il me remercie d’avoir lavé les quelques assiettes de son dîner de la veille. Il me dit avoir dormi chez un patient (je m’étonne intérieurement). Parmi les papiers entassés sur le bureau, j’apercevrai un dépliant concernant la Gay Pride de Bruxelles (mais de cela, je m’étonnerai moins finalement).
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Dans Frêle Bruit, en effet, Michel Leiris écrit : « Alors que je suis happé comme par un grand mystère sur le point d’être dévoilé quand je regarde une œuvre telle que la Minotauromachie de Picasso, dont l’onirisme paraît refléter de durs conflits vécus intérieurement par l’artiste, alors que j’ai toujours été sensible aux drôles de faits divers racontés par Max Ernst dans ses collages où des éléments iconographiques vieillots, rappels de l’époque de troubles et de ravissements où nos père et mère occupaient le devant du plateau, se conjuguent de manière inusitée, un tableau comme le fameux tableau surréaliste belge dont l’unique singularité est qu’on y voit un cheval galoper sur une tomate ne me suggère rien qui excède le dérèglement des proportions relatives d’un quadrupède et d’un légume, ce qui ne me fait ni chaud ni froid. » (Frêle Bruit, Gallimard, “L'Imaginaire”, 1976, pp. 360-361)
Précédemment (Ensor, Khnopff, Gallé…) :
Automne 2009, journal extime et parisien (17)
A pas comptés, journal extime (3)
Dans le labyrinthe : de Paris à Fès à Paris (10)
Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (7)