1452 - Monnaies, toiles, robes et merveilles : septembre à Paris (6)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Monnaies, toiles, robes
et merveilles

 

Septembre à Paris

 

 (Journal extime, 24 septembre - 30 septembre 2022) 

6

 

29 septembre [suite]

Soir

Je suis invité chez Patrice et Anne. Après les premières formules de bonjour et d’accueil, Anne me dit : « Tu ne m’as jamais vue avec les cheveux tout blancs ! » Je ris, et réplique qu’il en va de même pour ce qui me concerne.

Patrice s’active à la cuisine. Les effluves musculeux de la moussaka qu’il a préparée flattent avec vigueur nos narines.

Anne se montre volubile. Elle parle — c’est dire — davantage que Patrice, lequel demeurera un peu en retrait.

Sur le coup encore de deux journées que je viens de passer avec elle, j’esquisse l’histoire de Khadija, mariée au loin avec un Allemand désespérément blond aux yeux de sa famille (puisque sans ressemblance avec nul cousin du bled auquel la livrer), mais retombée, après son divorce, dans les serres de la sorcière qui, plus qu’aucune autre, aura su la marabouter (à peine si je sombre dans la caricature, ce narrant, hormis le parti pris de toutes sortes de raccourcis…).

Comme Anne évoque le cinéma, j’en profite pour céder les deux places que Pascal m’avait dit d’utiliser et que je n’aurais pas le loisir d’épuiser d’ici mon retour à **** le surlendemain.

Puis elle me questionne sur les livres que j’aie pu lire au cours des derniers mois (et je songe à Martine, l’épouse de Didier, sollicitant un “avis autorisé” dont je suis toujours embarrassé, me doutant que mes goûts diffèrent en général de la plupart des personnes…).

Anne retrace les circonstances et conditions de sa retraite, la cession de machines-outils, la reprise du bail. Elle et Patrice — réapparu depuis de la cuisine où nous avions fini par l’abandonner — me demandent quand mon congé de longue maladie prendra fin.

Elle, ne boit pas de vin. J’ai acheté chez le caviste tout proche une bouteille de Côtes-du-Rhône, en demandant à Patrice quel vin s’accorderait avec les mets. La salade, qu’agrémentent des feuilles de basilic fraîchement ciselées, et surtout la moussaka sont excellentes.

Nous parlons de ce que j’aie pu faire les jours précédents, des musées parcourus. Comme d’habitude, Patrice se montre très critique. Il parle de « blockbusters » à propos des expositions que nous avons vues. Je pense à part moi que c’est Khadija qui les avait choisies, en toute connaissance de cause toutefois, puisqu'elle m’a rappelé que nous avions vu ensemble certaines toiles de Kokoschka quelque vingt ans plus tôt au musée de Stuttgart. Il me vante une exposition qui aura lieu en octobre au Louvre [et que je verrai à mon retour d’Italie]. Nous parlons de la Pietà de Delacroix, dont la rénovation s’est faite aux frais du musée du Louvre.

[photographie du 17 mars 2022]

[photographie du 17 mars 2022]

Des crédits ont été alloués par la Mairie de Paris pour l’association caritative dont il s’occupe pour l’achat d’une fourgonnette, laquelle permet désormais de collecter à nouveau des marchandises auprès des commerçants de Rungis. Il doit d’ailleurs s’y rendre le lendemain — et, pour cette raison, se lever tôt le lendemain matin.

J’apprends des nouvelles de leurs filles, particulièrement d’Emma qui vit dorénavant séparée de son conjoint et habite un deux-pièces dans un lieu-dit de moins de mille habitants (si j’ai bien retenu). L’aînée est de nouveau enceinte — de trois mois et demi, me précise Anne.

L’office des HLM parisien se montre menaçant après qu’Anne et Patrice ont refusé un échange d’appartements qui ne leur convenait pas. Après le départ de leurs filles, ils n’auraient plus droit qu’un deux-pièces, ce qui, naturellement, ne leur sourit qu’à demi…

Comme Patrice a dit se lever tôt, j’écourte, malgré le plaisir que j’y trouve, notre soirée.

Alors que nous sommes sur le pas de la porte, Patrice me fait part de son intention de revenir à L**** au moment de la Toussaint afin de s’occuper du caveau familial. « Pas tous les ans tout de même ! », proteste Anne à cette évocation, qui décline ma proposition de venir à **** et d’accompagner Patrice à cette occasion. La dernière fois, il est vrai, que j’avais pu l’y voir, c’était au moment du décès de J.-M., et je comprends fort bien que ses raisons d’y revenir sont désormais lointaines, sinon tout à fait révolues.

* * *

Je rentre à pied depuis Ménilmontant jusque la rue P***. La promenade, agréable, permet d’éliminer quelque peu le vin que j’ai bu.

Et je suis un instant ravi de croiser sur mon chemin cet avatar parisien de Corto Maltese.

1452 - Monnaies, toiles, robes et merveilles : septembre à Paris (6)

 

 

 

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