757 - Romana saltatio (Paris-Rome-Paris) (13)

Romana saltatio

(Paris-Rome-Paris, 20 octobre – 2 novembre 2016)

Journal extime en écho

[Paris-Porto-Lisbonne, 10-23 février 2017]

XIII

30 octobre

Matin

Une réplique du tremblement de terre de mercredi a lieu vers 7 heures 35, plus forte encore que la précédente.

Lorsque je fais les courses, à une centaine de mètres de l’appartement, les gens, attroupés dans la rue, contemplent la faille de quelques centimètres qui sépare désormais deux immeubles voisins, naguère accolés.

Dans les heures qui suivent, on a, quand on marche, l’impression curieusement persistante que le sol continue à se dérober sous le pied. S’agit-il là d’une mémoire du corps, que désarçonne une sensation inhabituelle contre laquelle l’esprit lutte vainement, ou est-ce, au contraire, l’esprit qui impressionne le corps — et que nourrit la crainte d’une récidive ? Je m’agace, en tout cas, de ne pouvoir mettre un terme à ce flageolement à chaque pas.

Et est-ce ce trouble d’un tremble à venir qui m’a fait oublier de noter quelle était cette église à la façade emballée, à l'intérieur de laquelle à travers l'oculus de la voûte jouait à cache-cache dans ce ciel factice peuplé d'anges un astre doré ?

La seule certitude que j’ai tient à ce qu’elle se trouvait nécessairement dans le quartier de la Piazza Navona : j’ai visité ensuite Saint-Nicolas-des-Lorrains — une visite qui s'imposait... —, et l’heure sur l’appareil numérique indique un laps de temps trop court pour que j’aie pu changer de quartier.

Après-midi

Je vais de la gare de Trastevere à celle de Termini, afin de savoir comment et où prendre le bus qui m’emmènera le lendemain à l’aéroport de Ciampino. Au vu et su de la file d’attente constatée à Trastevere, j’achète un ticket de train pour le lendemain.

De là, je prends un bus pour me rendre dans le Quartiere Coppedè, tout proche, en fait, de la Villa Torlonia — non sans remarquer, en chemin, cette villa que pollue la station-service qui la jouxte.

Je ne suis pas le seul, sur place, à errer, l’appareil photographique à la main, entre ces maisons, parfois un peu cossues ou prétentieuses.

Fontana delle Rane

(En l’occurrence, je ne me suis pas — à nouveau — senti dépaysé, même si, à Rome, il y a sans doute aucun davantage de fontaines qu’à ****…)

*  *  *

Puis, quand, après avoir pris le tramway puis le métro, je me retrouve devant le Colisée, je vois qu’une foule dense processionne de là jusqu’à la Piazza Venezia. Il a fait, il faut dire, beau et chaud ce dimanche. Et, entre autres touristes venus passer un week-end à Rome et les Italiens venus des environs, on peut comprendre qu’il y ait tant de monde… Mais, pour ma part, alors que la nuit lance doucement ses réseaux bleus et roses sur elle, je n’ai pas le courage de remonter cette marée humaine jusque l’Ara Pacis — dont je ne le sais si je l’ai vu auparavant.

Je rentre donc, non sans un crochet dans un supermarché ouvert où je crois pouvoir trouver un rayon traiteur. D’ailleurs, il faut bien laisser quelques lieux inexplorés pour un troisième séjour…

Les dîners au restaurant seul étant parfois plus tristes qu’on ne saurait le dire — même si les douleurs aux épaules, au cou et à la jambe continuent de me tenir compagnie —, je me réjouis finalement de dîner en tête-à-tête avec moi-même dans l’appartement, d’un menu dont je maîtrise, cette fois, la quantité.

(Or, ces poivrons farcis, agrémentés du grada padano (vingt mois d’âge !) râpé qu’il me reste, s’avèrent excellents et roboratifs !)