1534 - Juin parisien [Récidive], 3

Juin parisien

[Récidive]

Journal extime

(19 juin – 26 juin 2023)

3

21 juin

Nuit

Les bouchons d’oreille se sont avérés efficaces : j’ai dormi presque sans interruption durant huit heures.

Après-midi

Rendez-vous est pris avec Anne et Patrice pour voir l’exposition consacrée à Anna-Eva Bergman au Musée d’art moderne.

Anna-Eva Bergman, 1929, photographe non connu, Épreuve gélatino-argentique, Fondation Hartung-Bergman

L’exposition nous plaît à tous trois.

Je remarque l’écriture appliquée, presque scolaire, dont l’artiste inscrit sa signature dans les premiers dessins et tableaux. Sa carrière, en fait, débute par des dessins stylisés, presque des caricatures, qui attestent, à rebours, un sens de la dérision.

Anna-Eva Bergman, [Non titré], 1931, Tempera sur toile, 55 x 46 cm, Fondation Hartung-Bergman

Ce n’est qu’ensuite qu’elle s’avance résolument vers l’abstraction. Pareille évolution me rappelle celle de František Kupka.

Anna-Eva Bergman, N°[?]-1951, 1951, Huile et feuille de métal sur panneau de bois Isorel, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°27-1951 Fyrtårn (konvensjoner) [Phare (conventions)], 1951, Tempera sur panneau de bois Isorel, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, , N°34-1951 Blå drømmer [Rêves bleus], 1951, Tempera à la caséine sur panneau de bois Isorel, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, [Non titré], 1951, Encre de Chine et gouache sur papier, Musée d'Art Moderne de Paris

Anna-Eva Bergman, N°35C-1951 Fragment Randsholmen, 1951, Tempera sur panneau de bois Isorel,Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°5-1952 Deux formes noires, 1952, Huile sur toile, 130 x 97 cm, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°2-1953 Stèle avec lune, 1953, Tempera et feuille de métal sur toile, The National Museum of Art, Architecture and Design, Oslo

Anna-Eva Bergman, N°1-1954 Un univers, 1954, Huile et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Je suis sensible aussi à la diversité des formats — tout en regrettant que ne soit pas indiquée sur les cartels les dimensions des œuvres, qui rendraient mieux compte de leur prouesse et de leur effet.

Anna-Eva Bergman, N°14-1956 Le grand nord, 1956, Tempera et feuille de métal sur toile, 195 x 114 cm, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°XB-1956 Icare, 1956, Tempera et feuille de métal sur panneau de bois contreplaqué, Fondation Hartung-Bergman

(J’ai noté que cette dernière peinture est de très petite dimension : 0,18 x 0,24 ?, tandis que la précédente, selon mon coup d’œil, mesure environ 1,90 x 1,30 m]… D’autres avouent leur taille, cependant, ne serait-ce que dans les intitulés — de même que, pour certaines, la nature des formes colorées qui a pu les inspirer…)

Anna-Eva Bergman, N°4-1957 La grande montagne, 1957, Huile et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°11-1960 Grande vallée, 1960, Huile et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°3-1955 Forme noire, 1955, Huile sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, 1954-1956 Forme orange, 1955, Huile et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, GB 64-1976 Bois III, 1976, Gravure sur bois sur vélin BFK de Rives Épreuve justifiée 7/50 et signée Erker-Presse, Saint-Gall, imprimeur, Musée d'Art Moderne de Paris

Anna-Eva Bergman, G 12-1953 Quatre formes pierres, 1953, Eau-forte sur cuivre et aquatinte sur vélin d'Arches, Épreuve justifiée 6/30 et signée Lacourière, Paris, imprimeur Musée d'Art Moderne de Paris

Anna-Eva Bergman, N°18-1964 Mur, 1964, Vinylique et feuille de métal sur toile, Musée d'Art Moderne de Paris

Anna-Eva Bergman, N°6-1963 Carboneras, 1963, Huile et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Me sollicite tout autant la palette de coloris, d’irisations et chatoiements (mais aussi, le recours à des formes carrées) qui m’évoque Gustav Klimt, lequel recourait aussi à des feuilles de métal. Patrice, que je rejoins, me dit que lui aussi a songé à Klimt.

Anna-Eva Bergman, N°26-1962 Feu, 1962, Huile et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°63-1961 Grand univers aux petits carrés, 1961, Huile et feuille de métal sur toile

Anna-Eva Bergman, N°67-1966 Grand océan, 1966, Vinylique et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°4-1967 Montagne transparente, 1967, Vinylique et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°2-1966 Finnmark Hiver (Hiver horizon du Nord), 1966 Vinylique et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Anna-Eva Bergman, N°2-1968 Fjord, 1968, Huile et feuille de métal sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Nous nous accordons à trouver ce que nous voyons très beau, tout en émettant des réserves quant à la dernière salle (nous dirons-nous ensuite sans nous être concertés), dont les sources d’inspiration s’avèrent quelque peu redondantes, comme si cette Montagne en une ligne constituait une ultime épure, condamnant en quelque sorte à des redites par la suite le réservoir d’emprunts de formes, éléments, couleurs, domaines, d’une artiste peut-être vieillissante.

Anna-Eva Bergman, N°57-1978 Montagne en une ligne, 1978, Acrylique sur toile, Fondation Hartung-Bergman

Après qu’Anne a scrupuleusement regardé un documentaire à la sortie de l’exposition qui ne retient guère notre attention, Patrice et moi, nous longeons la rive gauche de la Seine depuis le Pont d’Alma et prenons un verre sur une barge amarrée près du Pont des Invalides. Nous laissons déborder par l’humeur fluviale des lieux et parlons doucement de Pascal et F. qu’eux n’ont pas vus depuis longtemps, puis, sur la demande d’Anne, des expositions que je dois voir, des films que j’ai vus. Anne a beaucoup aimé — comme moi — l’Île rouge de Robin Campillo.

La musique est forte, cependant, et nous empêche par instants de nous bien entendre.

Nous empruntons ensuite le Pont de la Concorde et, comme la presse dans le métro est importante, nous laissons passer deux rames, avant de décider de prendre une autre ligne.

Anne me fait remarquer la couleur verte des plaques émaillées indiquant désormais les noms des stations sur la ligne 1. Je trouvais le bleu nuit des précédentes mieux seyant.

Patrice en me quittant me surprend lorsqu’il me propose de nous revoir avant que s’achève mon séjour. En vérité, je doute d’en avoir le temps.

Il est assez tard quand je regagne la rue P****. Je décide de ne pas aller à la Fête de la Musique : qu’y ferais-je ? D'humeur casanière, je regarde donc la fin de Casa Suzanna.