792 - Journal d'un conscrit (18) [in memoriam J.-M.]

Publié le par 1rΩm1

 

 

792 - Journal d'un conscrit (18) [in memoriam J.-M.]

 

26 janvier 1984

L’on n’a pas vu l’ombre de la queue d’un général au bureau : c’en a presque été vexant vu le mal qu’on s’était bon gré mal gré donné pour le recevoir. — Mais, peut-être, serait-il venu qu’il n’y aurait rien eu à voir de toute façon ! Mais brisons là cet antimilitarisme primaire (qui ne peut être secondaire, c’est entendu) et ce sens inné de l’obscénité…

 

Journée effarante encore, qui n’a pas connu de repos, hélas.

Au milieu d’une effervescence bouillonnante, le téléphone a sonné : je devais d’urgence téléphoner à ma mother. J’ai blêmi, et le Commandant m’a dispensé de mon travail de toute urgence et m’a même proposé de téléphoner dans son bureau. J’avais oublié, pour au moins la vingtième fois depuis ce matin, que c’est aujourd’hui mon anniversaire : ce n’était pas autrement plus grave — quoique… A ce propos, j’ai reçu une courte carte de S. et de ma grand-mère : voilà donc pour marquer ce jour. Bref, ne nous attardons pas — puisque aujourd’hui cela fait vingt-quatre ans que l’on s’attarde…

 

Vers les 15 heures 30, Antoine a craqué. Les rythmes exaspérés du boulot ces derniers temps ont eu raison de lui. Il s’en est suivi une révolution : j’espère que les discussions auront quelques conséquences, puisqu’il semble qu’il a été admis que l’on en faisait trop à la fois… — Mais s’en souviendra-t-on ? demain ? plus tard ? — Les urgences à satisfaire se sont multipliées, de partout, tout le monde et n’importe qui donnant des ordres tous azimuts, aboyant comme des chiens, hurlant après chacun de nous : j’ai pris, depuis le début de la semaine, trois à quatre engueulades que je n’aurais pas dû essuyer, n’étant en rien responsable dans ce pour quoi l’on m’engueulait… C’est la “bonne ambiance” que j’ai déjà dite. Résultat : nous n’en pouvons plus les uns des autres…

 

Enfin, je suis maintenant à ma soute consolatrice. Elle est d’autant plus calme qu’elle ne s’effare plus de la venue d’un général !

 

 

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