1258 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas une maladie… (16)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Si tant est que ce ne soit (toujours) pas

une maladie

Carnets d'un rescapé

(Journal extime)

Work in progress

 

16

 

30 octobre 2020 - “Re-confinement”, 1er jour

Je me lève, aussi vaguement déprimé que la veille, après une mauvaise nuit — je les enchaîne presque coup sur coup depuis une semaine.

Aux informations, j’apprends qu’il y a eu une manifestation d’« identitaires » à Nice, des abrutis défilant en scandant « on est chez nous ! ».

J’envoie un courriel à T., Marthe et Paul, puis, dans un postscript, demande à T. qu’il m’envoie mon emploi du temps, ce qu’il fait bientôt tout en demandant les coordonnées de F. B.

J’ai reçu un courriel de Flore.

C’est un jour bien morne. Je sors en milieu d’après-midi afin d’aller chercher des médicaments commandés à la pharmacie, muni d’une attestation pour me déplacer. Entre-temps, j’ai porté une lettre et fait un peu de marche.

On m’annonce avoir remplacé la teinture-mère par des gélules. Je proteste contre le procédé, mais, dans un premier temps, ne me fais pas comprendre par mon interlocutrice du fait de mon élocution. Je hausse alors un peu le ton et demande à être remboursé. Je décide ensuite de me rendre dans une autre officine où l’on me fabriquerait la teinture-mère en question.

Dans la rue principale, peu de magasins sont ouverts. Comme l’opticien l’est et que personne ne se trouve à l’intérieur, je rentre afin que l’on resserre les vis de mes lunettes. Cela prend un certain temps. Je m’impatiente. A la pharmacie ensuite, l’attente est assez longue du fait de deux clientes en mal de bavardages. J’évalue que je ne pourrai pas rentrer avant l’heure réglementaire et, quand vient enfin mon tour, je demande une paire de ciseaux, ôtant alors au bas de la page date et signature et la remplaçant par d’autres, ce qui permettra d’entreprendre le trajet de retour en temps et en heure… Ces mesquineries à quoi les dispositions sanitaires obligent, ces tracasseries, toutes ces contrariétés m’ont mis tout à fait hors de moi…

Rentré enfin chez moi, je fais un peu de piano. Le troisième doigt de la main droite, au moment du passage du pouce, ne veut pas obéir à plusieurs reprises. Je m’irrite de cette difficulté inhabituelle, celle d’un parfait débutant.

Avec ma maladresse insigne, je renverse le flacon de teinture-mère, qui se vide aux deux-tiers.

Je consulte le document collaboratif dans lequel Elvire a rédigé une convocation à une assemblée générale dimanche après-midi. J’ajoute quelques espaces et points oubliés en fin de phrases.

 

Soir

Appel téléphonique de mon père vers 21 heures. Le coiffeur à domicile lui a laissé un message qui, tout en lui souhaitant « bon confinement », signifie surtout qu’il lui fait faux bond. Mon père, cependant, connaît une coiffeuse de remplacement. Je surjoue un peu l’hésitation afin qu’il prenne rendez-vous à ma place : je le dois le constater, mes difficultés d’élocution face à des inconnus auxquels je devrais demander quelque service m’inhibent de plus en plus.

Il a réussi à obtenir de visiter ma mère mardi. Il a parlementé auprès des personnes à l’accueil : du fait des soixante-deux résidents à raison de six visites par jour, il est impossible de la voir très souvent, tant et si bien qu’il a suggéré une autre organisation possible, plus équitable.

Je regarde sur Arte l’émissions 28 minutes, Judith Bernard étant invitée sur le plateau. Je suis généralement d’accord avec ce qu’elle peut dire ; aussi m’étonné-je de ses positions sur le voile islamique…

Je regarde également un épisode de les petits Meurtres d’Agatha Christie, qui a le mérite de me détendre après pareille journée, indéniablement nulle et avenue. L’épisode est toutefois moins drôle que d’autres de la série.

Ai renoncé à boire du vin aux repas. Je me demande si je tiendrai longtemps ma promesse. En revanche, j’ai remis en service le Prozac.

 

Du 31 octobre au 2 novembre

J’ai eu beaucoup de mal à négocier le tournant du week-end, à me “re-confiner” en vérité, n’éprouvant pas la moindre envie d’écrire. Je me suis réfugié dans (et donné l’alibi de) la retranscription de ma lettre d’avril 1982 (?) à J.-M.

Je reconstitue de mémoire, par conséquent, ces jours si peu mémorables.

Samedi, M.-C. m’a appelé, sans que j’aie entendu la sonnerie du téléphone.

Je la rappelle donc. Nous échangeons des propos un peu amers. Je lui dis que je ne l’ai pas contactée depuis mardi au moins parce que je me sentais un peu déprimé. Elle a vu ses petits-enfants — et repris un peu langue avec sa fille, ce qui lui a fait du bien. Nous statuons sur la responsabilité quant à ce “re-confinement” du gouvernement, que nous finirons par honnir. Elle a consulté de nombreux documents qui vont dans ce sens durant le week-end.

Mon père, lui, appelle : la coiffeuse peut travailler à domicile sans être inquiétée (!).

L’après-midi, je prospecte pour l’achat d’une imprimante et vais à la pharmacie pour me procurer un flacon d’Echinacea, après avoir renversé la veille le précédent flacon.

 

Dimanche 1er novembre 2020

Je téléphone à T. Il me demande si j’ai contacté Marthe et Paul. Lui s’en va charger.

Je suis invité par ma sœur à déjeuner. Je me trompe sur la date à laquelle mon père sera hospitalisé — à partir du 2, et non du 4 décembre —, ce dont il m’avait fait l’annonce l’avant-veille [?]. Il dit à nouveau — je l’avais appuyé déjà à ce propos — ne pas vouloir fêter Noël. Ma sœur paraît se faire davantage une raison.

Promenade sous un ciel gris. Le cœur me faut, le cœur défaille. J’aperçois M. devant chez elle en train de décharger le coffre de sa voiture. J’ai un mouvement pour la héler. Mais je me ravise. Elle croirait, me dis-je [à tort, très certainement, ajouterais-je aujourd’hui (30 octobre 2021)], que je lui arrache une conversation, voire une invitation.

Une assemblée générale des personnels a lieu. Je ne parviens pas vraiment à me sentir concerné — et dételle après une heure et demie.

Je corrigerai néanmoins une lettre à l’administration — en me reprochant de le faire — et n’avoir fait que ça !

 

Les autres voisins sont rentrés — elle, désormais flanquée d’un bavard impénitent dont la voix porte. Je m’irrite de devoir changer de chambre.

 

Lundi 2 novembre

Achats et provisions. J’achète un produit contre les pucerons laineux, une imprimante, puis des cartouches.

Le ciel est intensément, uniment bleu : je n’ai pas de souvenir d’un temps si agréable au début de novembre.

Je transmets à l’orthophoniste le rapport du neuropsychologue. Je tâche de retrouver deux vers holorimes attribués (faussement) à Victor Hugo. Je bute tant et plus, au cours de la séance, sur les mots et syllabes.

Rentré, je vois que j’ai reçu un message de T. Il m’appelle presque aussitôt, propose que nous nous retrouvions « par hasard » entre chez lui et entre moi. Après avoir déambulé quelque peu tout en devisant, après avoir hésité un instant, il accepte que nous asseyions sur un banc. Nous retraçons à quoi nous nous sommes occupés ces derniers jours. Moi, surtout. Car je parle beaucoup plus que lui. C’est à peine s’il évoque sa journée de travail. Nous discutons néanmoins de l’assemblée générale de la veille. Je comprends qu’il a lu mes corrections. Je lui dis que j’ai trouvé naïves les intentions de collaborer avec le chef d’établissement. Non seulement, comme le dit T., il se trouve nécessairement pris « entre le marteau et l’enclume », mais encore sa fonction le lui interdit. Quand des enseignants se comportent tels des gosses — qu’ils sont demeurés puisque, pour la plupart, ils n’ont jamais quitté les bancs de l’école. (Pareille analyse, à la réflexion, me paraît pourtant en partie erronée. Des rêves de ce que l’on appelait jadis « autogestion » pourraient hanter, à bon droit, leurs discours, et j’ai souvent pensé que certains établissements scolaires tournaient tout seuls, voire tourneraient mieux si l’on laissait aux enseignants la bride sur le cou). Pour autant, T. ne veut pas assister à l’heure syndicale prévue le lendemain.

L’heure, chichement accordée, est bientôt passée. Je ne crois pas qu’on pourrait être interpellés, mais je donne le signal de départ. T. me raccompagne sur une partie du chemin (nous étions, en fait, assez près de chez lui, et j’ai proposé d’y venir avec une ou deux bières — à quoi il a répondu qu’il faudrait nettoyer les poignées de porte !).

Rentré, je téléphone à Marthe et Paul. Marthe raconte qu’elle a oublié de sortir avec un masque, en oubliant aussi de prendre une attestation. Nous glosons pareil acte manqué et rions. Paul prend l’appareil ensuite et, toujours sur ce ton de bon garçon que je lui connais au téléphone, expose les incommodités de la situation.

J’appelle également Christine pour lui dire de venir déjeuner si son stage de formation est maintenu mercredi prochain. Sa journée de travail, me dit-elle, s’est montrée éprouvante.

Je passe presque trois quarts d’heure avec un assistant informaticien afin de récupérer je ne sais quel mot de passe qui me permettra de mettre en fonction l’imprimante dont j’ai fait l’achat le matin.

Faute de pouvoir regarder Autopsie d’un meurtre — film rare, me semble-t-il, qu’en tout état de cause je n’ai pas vu —, déprogrammé en raison du décès de Sean Connery, je m’abstiens de voir le film proposé, lequel me paraît à hauteur de l'interprète de Pas de printemps pour Marnie.

1258 - Si tant est que ce ne soit (toujours) pas  une maladie… (16)

J’achève donc de regarder Dead Zone, qui me paraît valoir pour Christopher Walken (et le réalisateur), plus que pour l’intrigue, cousue de fil blanc, ourdie par Stephen King.

 

 

 

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