1604 - Voyage à l'Est (postscript)

Publié le par 1rΩm1

 

 

Voyage à l’Est

 

Journal extime

(Mitteleuropa, 12 octobre - 25 octobre 2023)

Postscript

 

Voyage à l’Est, postscript [2-25 mars 2024]

 

Josef Chochol, Family house, 1912-1913, N° 49/3, Libušina Street, Prague 2

Josef Chochol, Family house, 1912-1913, N° 49/3, Libušina Street, Prague 2

 

Si c’est en toute conscience que j’ai pu sous-titrer « récidive » mon voyage vers l’Est (j’ignorais alors le titre d’un ouvrage récent de Christine Angot, cela va sans dire), je me découvre dans l’après-coup un impensé de taille — immense ou énorme, devrais-je dire plutôt. Ces « pas dans mes pas » qui m’ont mené de Munich à Budapest, de Budapest à Prague, de Prague à Nuremberg, pour me ramener en dernier lieu chez moi, je les avais accomplis tout autant — de même que, au retour, à Strasbourg —, à des moments fractionnés il est vrai de mon existence, en la compagnie de R. Peut-être parce que j’ai enjambé Vienne dans mon périple, l’évidence de ce passé ne m’a plus effleuré…

 

La première fois que je suis allé à Prague, en effet, c’était avec R. Je me souviens (mais ce n’est peut-être qu’une reconstitution à partir d’un souvenir tout ou partie erroné) que nous avions accompli une promenade nocturne, la plupart du temps seuls, dans l’enceinte puis le quartier du Château : cette longue déambulation confinait à un merveilleux tout cinématographique (dont j’ai retrouvé l’ambiance singulière en regardant les images en noir et blanc du film de Steven Soderbergh avec Jeremy Irons intitulé Kafka), et, par paliers tout hasardés, nous a conduits jusqu’à la Moldau en contrebas, , après quoi nous avions longé les quais jusqu’à l’endroit où nous avions garé le camping-car en toute insolence — sans avoir été jamais inquiétés par qui que ce soit malgré notre stationnement prolongé. C’était en août 1993.

Jeremy Irons dans Kakfa de Steven Soderbergh, © Internet

Jeremy Irons dans Kakfa de Steven Soderbergh, © Internet

 

La seconde fois — pour moi, puisque troisième en vérité pour R. qui avait séjourné dans la capitale tchécoslovaque (alors) avant « la chute du rideau de fer », et bientôt impropre aussi en tant que « seconde », puisque je reviendrais à Prague, une troisième, puis pour (cette fois-ci) une quatrième occasion —, bien certains que le charme de la ville n’opérerait plus, nous avions interrompu une récidive d'ascension nocturne en direction du château : Prague n’était alors qu’une étape, électrique et malheureuse, de notre voyage vers la Pologne, et j’en ai retenu la date à jamais : 1er août 2002 ; c’était le jour où j’ai définitivement cessé de fumer. Déréliction due au sevrage qui avait gâché ce retour, lequel réclamait alors que je revienne, seul, après avoir à jamais cessé de voir R., quand bien même il m’arrivait encore de regarder la ville à travers des yeux qui ne m’appartenaient pas encore tout à fait entièrement, quoique la pensée de Julien caracolait alors à mes côtés sur le Pont-Charles bien plus que celle de R. ou de quelque autre fantôme échappé du passé…

A Budapest — j’incline à penser, sans preuve pourtant, que c’était en 2001 —, enfin, que nous découvrions alors à plaisir après avoir séjourné quelques jours à Vienne R. et moi, j’ai fait l’expérience, inaugurale et quasi stupéfiante, la nuit tombée, que je ne parvenais pas à lire la carte des plats affichée au seuil du restaurant où nous nous apprêtions à dîner. Je faisais mon entrée dans un autre âge — un continent bien plus vaste que la seule presbytie.


De Budapest, enfin, — j’ai omis de le raconter —, j’ai rapporté la kippa en carton fin qu’on nous avait distribuée à l’entrée de la Grande synagogue.

1604 - Voyage à l'Est (postscript)
1604 - Voyage à l'Est (postscript)

C’était (proprement !) la seconde fois que j’entrais dans une telle enceinte et que je m’en coiffais. Du fait de mouvements intempestifs le couvre-chef ne cessait de glisser de ma tête, et je me sentais horriblement gêné de trahir le défaut d’habitude que j’en avais, en me désignant ainsi comme goy — autant que le fait désignait ma balourdise. Je ne me rappelais aucunement avoir vécu ce désagrément lors du mariage d’Hannah : peut-être la kippa en tissu qu’on m’avait prêtée cerclait-elle mieux ma tête…

C’était en juin 1977.

 

 

 

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